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title: "Le document n'existe pas"
date: 2024-10-01
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Dans la continuité des travaux sur la théorie des médias : 

- Kittler, _Le logiciel n'existe pas_
- Vitali-Rosati, Larrue, _Le media n'existe pas_

On peut avancer que le _document n'existe pas_.

Le document défini en tant que $$document = support + inscription$$ fige cet
objet dans une forme de représentation donnée, lié à son contenu et oubliant les
interactions nécessaires à son établissement.

En convoquant le posthumanisme, (Hayles etc), et la matière en tant que
propriété émergente et non pas comme une propriété pré-existante à l'objet.
La matérialité (Barad) pré-existe l'humain, ce n'est pas l'humain et les
pratiques discursives, qui la font émerger (elles viennent s'y intégrer au même
titre que les autres).

Le document (Briet, Otlet, Bachimont) est toujours situé dans un système
d'informations\ : le document circule et porte des informations.

Pour circuler, notamment dans l'espace numérique, le document ne peut pas être
immuable. L'équation précédente ne rend pas compte du fait que support et
inscription sont variables, caractéristique héritée de la capacité de l'écriture
numérique à changer d'état.

Défini ainsi, le document reste une appellation vague, parce qu'il change de
forme constamment.
C'est finalement un objet que l'on ne peut pas saisir et qui nous échappe.

Nécessité de compléter ces définitions par une autre approche, celle du document
comme un réceptacle, un espace dans lequel se déroule des interactions entre des
entités.

Marie-Anne Paveau, Barad et Hayles

Barad : 

> La matière n'est ni immuable ni passive. Elle n'a pas besoin du sceau d'une
> autorité extérieure, comme la culture ou l'histoire, pour être complète. La
> matière est toujours déjà une historicité incessante.
- p.60
Voir Judith Butler _Ces corps qui comptent_.

> La matière est un processus stabilisant et déstabilisant d'intra-activité
> itérative.
- p.61

> _La matière correspond à la matérialité/matérialisation des phénomènes_, et
> non à une propriété fixe et intrinsèque d'objets indépendants et abstraits.
> p.61

> Les _pratiques d'exclusion_ (ou de délimitation), c'est-à-dire les _pratiques
> discursives_, sont entièrement liées à l'intra-activité par laquelle les
> phénomènes en viennent à «\ avoir un sens\ » à mesure qu'ils se matérialisent.
> En d'autres termes, _la matérialité est discursive_ -- ce qui revient à dire que
> les phénomènes matériels sont inséparables des dispositifs qui les _produisent_
> -- de la même manière que les pratiques discursives sont toujours déjà
> matérielles (c'est-à-dire qu'elles sont des (re)configurations matérielles du
> monde).
- p.62

Les intra-actions sont des actions non déterministes -- et pourtant causalement
contraignantes -- à travers laquelle la matière-en-devenir se sédimente et se
déploie vers d'autres matérialisations.
p. 63

> la notion de médiation a longtemps fait obstacle à une prise en compte plus
> approfondie du monde empirique. La reconceptualisation de la matérialité
> proposée ici permet de prendre à nouveau le monde empirique au sérieux, à
> condition de ne pas chercher l'objet référent dans le caractère soi-disant
> «immédiatement donné » du monde, mais dans les phénomènes.
p. 64

Une causalité existe dans ce système de réalisme agentiel (voir .67). La
causalité s'exprime à travers une _coupure agentielle_ (p.50) réalisée dans
l'agencement global des interactions. La cause et l'effet s'explique par la
_mesure_ entreprise lors de la _coupure agentielle_.
Il y a intra-action entre la coupure et l'appareil de mesure et produisent
l'effet. La coupure opère une réduction de la totalité de l'intra-action pour
ne produire qu'une seule _mesure_, une vision très réduite de l'objet.

Un deuxième appareil de mesure permettrait d'effectuer une coupure différente et
obtenir un effet différent, complémentaire au premier mais toujours aussi
restreint.

La coupure agentielle rejette une partie de la matérialisation pour n'en garder
qu'une forme produite par l'agencement de l'appareil de mesure à l'intra-action.
Elle pousse ce qui est à l'intérieur dans un extérieur (rejet/exclusion d'une partie). En
sommes, nous dit Barad, l'extérieur est déjà à l'intérieur...

Exemple avec le document.

> les intra-actions impliquent toujours des exclusions particulières\ ; et les
> exclusions interdisent toutes possibilités de déterminisme, offrant ainsi les
> conditions d'un avenir ouvert. Les intra-actions sont donc contraignantes mais
> non déterminantes.


> La différenciation n'est pas simplement une question de _coupure-qui-sépare_ mais
> aussi de _coupure-qui-relie_\ : couper c'est relier et séparer d'un même mouvement.
> La différenciation est une question d'intrication.
> Et les intrications ne sont pas des entrelacements d'entités distinctes mais des
> relations de responsabilité irréductibles.
> - p.146

>  Vicky Kirby, _quantum anthropologies_ affirme que l'affirmation controversée de Derrida
> «\ Il n'y a rien en dehors du texte\ » doit être comprise comme «\ Il n'y a rien en
> dehors de la nature\ ».
> - p.148


Note pour le chapitre 3\ : Identité flottante / mouvante (voir expérience de la
gomme quantique p.136 Barad).
On peut ajouter cette partie dans le chapitre 3 après les modèles textuels.
Cette idée va de pair avec la question de l'effacement du modèle du document et du modèle textuel.
On efface les traces de l'identité précédente.
Le document a une identité numérique (voir def de l'identité numérique) qui n'est pas celle
de la coupure agentielle puisqu'il ne s'agit que d'une représentation infime de l'objet.
Selon la coupure effectuée, le document est soit JSOn, soit HTML, soit MD, soit etc..

L'écriture numérique est variable, reexpliquer le fonctionnement du disque dur, notamment du SSD.

Cette écriture et les différentes phases du document sont effacées au fur et à mesure
que le document avance dans la chaîne éditoriale, les anciennes traces et les anciennes coupures
agentielles sont remplacées par les nouvelles\ : la forme HTTP n'est inscrite nulle part
lorsque je ferme les outils de développements du navigateur et elles seront remplacées 
par la nouvelle requête HTTP.

Cependant les écritures ne sont pas totalement effacées\ : les séquences de l'écriture
numérique peuvent être rejouées à l'infini (même si certaines données vont évoluer au fil
du temps).
L'identité d'un document numérique n'est pas uniquement la somme des traces que l'on
peut accumuler,
ce qui correspondrait à la somme des coupures agentielles que l'on peut en faire, mais à la somme
des entités/dynamiques qui produisent le document, en respectant leurs agencements.

Le document n'est pas pas figé dans une forme linéaire, si c'était le cas, le fait de
rejouer la séquence d'une production documentaire donnerait inévitablement le même résultat
à chaque fois.
Retourner à un état antérieur du document et changer les interactions qui ont eu lieu (en
insérant par exemple de nouveaux caractères ou en supprimant d'autres caractères) permet de
produire de nouvelles formes du documents, nommées versions, comme le sont les différentes
versions d'un logiciel.
Autre cas de non linéarité de la chaîne éditoriale\ : WYSIPRINT, notamment depuis la PULL Request
proposée par Yann Trividic (cf lien) qui permet de réaliser le chemin inverse en rendant le PDF
interactif. En manipulant le générateur de PDF, Trividic bouleverse la conception du PDF immuable
(qui ne l'était déjà plus), et propose un suivi des modifications apportées à l'intérieur du PDF
jusque dans les sources.


Le document est un espace : lorsque l'on délimite un espace comme une feuille au format A4
en tant que document, que l'on y écrive seul, à plusieurs, avec une plume, un stylo, 
une machine à écrire ou autre, on délimite un espace.
Cet espace est fini et les intra-actions s'agencent à l'intérieur de cet espace.
La feuille A4 n'est en elle-même pas coupée du monde qui lui est extérieur.
En définissant la feuille comme un espace, on la détache du monde, on réalise une coupure
agentielle pour définir le document.
L'intérieur de cet espace devient une bulle fermée et par le mpeme mouvement, on externalise
le reste du monde.
De cette manière, on réduit le document à un objet que ce soit un livre, un article, etc.
À l'intérieur d'un ordinateur, la coupure agentielle prend la forme d'un espace physique dans
la mémoire de l'ordinateur.