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title: "La publication scientifique est un espace"
date: 2024-08-07
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Notes pour le billet : 

- ~~potentiel titre de la these:  le `<em>`mal`</em>`traitement du texte~~
- du fait de l'importance accordée à l'objet public (publié), aka revue, livre,
  blog, etc., l'objectif de l'édition est de se concentrer sur un modèle
éditorial (un modèle épistémologique) et de transformer un document X pour qu'il
soit conforme à cette épistémologie.
- ce faisant, nous oublions ou laissons de côté le document source original et
  les conditions de son élaboration.
    - peut-être utiliser Bergin et Kirshenbaum pour montrer que depuis l'arrivée
      de Microsoft, on a un seul modèle du numérique présent et qu'on ne le
questionne plus ? trouver d'autres sources. 
- un pan des études littéraires, la génétique du texte, se concentre sur cet
  aspect là, principalement dans le traitement de textes pré-numériques.
- Qu'en est-il lorsqu'il s'agit de textes contemporains créés nativement dans un
  espace numérique ?
    - L'importance accordée à l'objet publié, héritée de l'imprimé, prime
      également pour les documents numériques...
    - la chaîne éditoriale se concentre principalement sur le résultat à obtenir
      au détriment de documents intermédiaires nécessaires à l'acte de
publication.
    - d'ailleurs, le post-traitement de ces objets publiés ne s'intéresse pas
      non plus au modèle épistémologique qui le constitue (ex: fouille de texte)
- Pourtant, depuis l'Antiquité et la période hellenistique, le rapport des
  savants à l'écriture et à leurs textes ... (Hadot)
- Fait également hérité durant l'époque des Lumières puis des premières revues
  .... (raconter l'histoire de chacun) jusqu'au numérique
- Cette perspective sur le document comme élément au coeur du processus
  d'écriture (et donc du sens qui en émerge) nous mène vers la théorie des
médias ...
- Nécessité de définir le document
- Revue de littérature sur la théorie des médias en partant de McLuhan
- Proposer un cadre posthumain pour justifier la valeur accordée au document (si
  souvent oublié de nos recherches).

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## Introduction

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<!-- Ça ira peut-être dans l'intro de la thèse cette partie -->

Le terme _publication scientifique_ désigne un ensemble
d'artefacts caractéristiques de la communication et
de la diffusion des travaux menés par les acteurs de la recherche.
Parmi ces artefacts, les plus communs sont les ouvrages collectifs, les
monographies, les revues, les actes liés à des événements scientifiques
(colloque, journée d'étude, etc.), les thèses, les mémoires ou encore des objets plus variés
comme ceux produits en recherche-création.
Malgré le fait que leurs propriétés soient différentes,
ces artefacts partagent tous une particularité qui nous permet de les regrouper
dans cette catégorie.
Les publications scientifiques regroupent une diversité d'artefacts parce
qu'elles font l'objet d'un traitement propre à cette catégorie\ : la relecture par
les pairs.
Pour une chaîne éditoriale plus classique, lorsqu'un texte a été commandé ou sélectionné,
la chaîne éditoriale consiste en plusieurs allers et retours dans le manuscrit pour effectuer
des corrections orthotypographiques et des reformulations, puis vient la mise en page du texte,
ensuite vient à nouveau une relecture pour valider la maquette avant l'envoi du bon à tirer à
l'imprimeur.
Tandis que dans une chaîne éditoriale scientifique, une étape supplémentaire, la relecture
par les pairs, est intercalée entre l'envoi du manuscrit par l'auteur et les échanges
orthotypographiques avec l'éditeur.
La relecture par les pairs est une condition _sine qua non_ de la publication scientifique
puisque c'est à cette étape qu'est validée la qualité scientifique du manuscrit.
La validation n'est pas une simple acceptation ou non du texte.
Les relecteurs agissent sur le texte, notamment au moyen d'une évaluation rigoureuse
comprenant des commentaires, des annotations et, si nécessaire, des propositions d'amélioration
du contenu.
Selon l'évaluation des relecteurs, si le texte est accepté avec des modifications
majeures ou mineures, l'auteur peut en conséquence y apporter des modifications.
C'est un fait remarquable puisque, pour cette catégorie d'objets,
contrairement à d'autres catégories caractérisées par leur medium et/ou par le genre
littéraire du contenu textuel, les artefacts scientifiques ne sont
pas catégorisés selon une composante qui permettrait de décrire le type d'artefact
dont il s'agit mais le sont d'une part par un gage de qualité du contenu qui a
été validé par les pairs en amont de la publication et d'autres parts, le sont par une forme de
reconnaissance sociale puisque cet artefact publié sera probablement repris
et/ou cité par d'autres membres de la communauté concernée dans
la grande conversation scientifique [@guedon].
Pour le dire autrement, un document écrit et publié par un chercheur ne relève pas de
la catégorie _publication scientifique_ dès lors qu'il n'est pas relu et validé par les
pairs.
Cette définition n'est pas forcément unanime et partagée par toute la communauté scientifique,
mais elle définie notre objet d'étude et écarte tous autres types
d'écrits savants tels que les billets de blog, les carnets de recherche, les publications
sur les réseaux sociaux, les courriels sur les listes de diffusion, etc.

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Une autre facette de ces artefacts nous permettrait de tous les
désigner sans avoir à définir leurs propriétés de manière exhaustive\ :
il s'agit de la notion de document.
Un livre pourrait être désigné par son format, le type de reliure employée ou le
type de papier qui le compose, il en va tout autant pour les revues et les
autres objets, d'autant plus si l'on doit prendre en considération leur pendant
numérique, sans qu'on puisse jamais tous les décrire et les circonscrire complètement
dans une forme déterminée.
Le terme de document, quant à lui, a cette particularité d'être un peu vague et un peu flou.
Il a quelque chose qui tient du mot-valise et du fourre-tout.
Il désigne tour à tour des livres, des papiers administratifs, des papiers
médicaux, des fichiers numériques, des revues, des cartes postales, des
antilopes (certaines seulement), des images ou des objets selon le contexte dans
lequel ils sont exposés, etc.
C'est un mot que l'on utilise au quotidien et grâce auquel on peut désigner tout
un ensemble de choses sans pour autant s'encombrer d'une définition précise du
terme document.
Un document, dans son sens le plus large et le plus simple, est défini par
l'équation suivante [@otlet_livre_2015, p.13; @pedauque_document_2003; @pedauque_document_2006]\ :

$$Document = Support + Inscription$$ 

Cette brève définition nous permet de distinguer le texte (ici
compris comme l'inscription) de son support et de l'ensemble qu'ils forment\ : le document.
Parfois, le texte et le document, par abus de langage, sont considérés en tant
que synonymes, alors que dans cette recherche ils renvoient bien à deux éléments
distincts. 
Généralement, le texte et les théories qui s'y rapportent fondent leur épistémologie autour du
signe [@barthes].
Lorsqu'il s'agit d'étudier un texte, que l'on vienne de la sémiologie, de la
philologie ou de la génétique des textes, ce sont les unités sémiotiques, les
mots et autres agencements de signes qui constituent l'objet étudié.
En excluant le support, cette perspective ne permet pas de rendre compte de ce que pourrait
être une épistémologie du document.
Des travaux de recherche, notamment en sciences de l'information et de la communication
comme ceux menés par le collectif Roger T. Pédauque [-@pedauque_document_2006], proposent
en ce sens des fondements théoriques pour penser à la fois l'inscription et le support
dans ce qui devient une épistémologie du document.

Afin 
nous proposons dans ce premier chapitre de la thèse d'aborder le document sous deux prismes.
Le premier prisme est historique.
Pour traiter de la place du document dans les chaînes de publication savante,
surtout si ce sont des environnements numériques, il nous semble primordial
d'explorer avant tout une tradition du document dans les pratiques d'écriture
érudites, savantes et scientifiques.
Le document numérique et le fonctionnement des publications scientifiques s'inscrit dans
dans un long héritage des pratiques d'écriture ainsi que de l'édition.
Nous en dressons les grandes lignes depuis l'époque hellénistique,
principalement depuis l'école stoïcienne, jusqu'à nos jours, en nous attardant sur la production
des documents en environnement numérique.
L'objectif de cette partie est de montrer que le document, quelles que soient les
époques, est un élément fondamental de la production des connaissances de part la dimension sociale
qu'il constitue en tant que médium.
Des lettres de Sénèque à Lucilius, en passant par les textes de Saint-Augustin,
de Descartes, jusqu'aux dispositifs numériques que nous employons aujourd'hui,
chaque exemple choisi montre un accès différent à l'autre social parce que le medium employé
est lui aussi différent.

Pour approfondir l'enjeu autour de ces médiations, la deuxième partie de ce chapitre
traite le document depuis la théorie des médias, avec l'école de Toronto depuis McLuhan
pour point de départ, puis les travaux inscrits dans cet héritage matérialiste
ensuite dans ce courant jusqu'au nouveau matérialisme [@barad].
Le document traverse ainsi différentes perspectives déterministes, puis non déterminites...

Le terme de document a connu deux périodes d'instabilité majeure au cours des dernières
générations.
Ces crises, identifiées au début du XXI^e^ siècle, correspondent à deux phénomènes nommés _documentarisation_ et
_redocumentarisation_ [@pedauque_document_2006;
@pedauque_redocumentarisation_2007_].
La première remonte à la transition entre la Bibliographie et la Documentation
au début du XX^e^ siècle, tandis que la seconde est plus récente puisqu'elle
correspond à l'expansion du numérique et d'Internet un peu partout autour du
Globe.
Durant ...
 
Revoir le document à travers la théorie des médias nous permettra de nous
détacher du langage et de sa dimension anthropocentrée pour mettre en lumière
d'autres propriétés qui le caractérisent jusqu'alors laissées de côté ...
(détailler)

## Historique des publications savantes

À l'instar de Barthes pour qui la centralité du signe dans le texte remonte à
l'époque des stoïciens, nous proposons d'introduire le lien entre pratique
d'écriture et érudition à partir des travaux de Pierre Hadot sur la philosophie
antique.

Dans son ouvrage _Exercices spirituels et philosophie antique_, P. Hadot
décrit ce qu'était la philosophie antique durant l'apogée de la civilisation
grecque que l'on peut situer à partir de la période des présocratiques (environ
700 av. JC) jusqu'à la fin de la période hellénistique (31 av. JC.).
Durant cette période, la philosophie n'était pas seulement un exercice de pensée
pour répondre aux questions sur l'existence de l'être et son rapport au monde,
mais était un mode de vie qui se pratiquait au quotidien.
Elle était pratiquée par celles et ceux qui aimait et désirait la Sagesse.
L'objectif n'était pas d'atteindre cette sagesse, car elle est l'apanage des
dieux, mais d'en frayer la voie pour s'en rapprocher.
Les philosophes de l'antiquité, à la différence de leurs contemporains
spécialistes du savoir, les sophistes, modifiaient ainsi leur façon de vivre et
l'accordaient à un système de valeurs vertueuses aligné sur les préceptes de
l'école ou du courant philosophique auquel ils étaient rattachés.
La philosophie pratiquée par les anciens était plus qu'un mode de pensée, elle
était une « manière d'être » [@hadot_exercices_2002, p.77].
Afin de parcourir ce chemin vertueux, les différentes écoles et courants ont mis
au point des séries d'exercices spirituels que le philosophe pratiquait au
quotidien.

L'étymologie de ces exercices est strictement identique à celle de l'ascèse
chrétienne : _askesis_.
Les deux termes ont une origine commune mais une signification bien différente.
À ce propos, P. Hadot nous met en garde quant à la confusion possible entre ces
deux *askesis*.
L'*askesis* chrétienne se rapproche de la définition contemporaine du terme,
c'est-à-dire de l'abstinence ou de la restriction de nourriture, de boisson, de
relation sexuelle, etc. ; alors que l'*askesis* grecque ne renvoie qu'aux
exercices spirituels que nous avons mentionnés, qualifiés comme étant « une
activité intérieure de la pensée et de la volonté » [@hadot_exercices_2002,
p.78].
La philosophie antique, à travers l'*askesis*, agit comme une « thérapeutique
des passions » [@hadot_exercices_2002, p.22].
Une pratique assidue permet de se dépouiller de ces dernières et d'opérer une
objectivation du monde débarassée des perceptions subjectives et des affects.
« L'intériorisation [réalisée à travers cette vie ascétique] est dépassement de
soi et universalisation » [@hadot_exercices_2002, p.330], notamment chez les
épicuriens et les stoïciens. 
En somme, lorsque le philosophe entreprend son parcours, il en vient à se
détacher de sa condition humaine et, par un mouvement d'extériorisation,
développe une « nouvelle manière d'être-au-monde [...] qui consiste a prendre
conscience de soi comme partie de la Nature » [@hadot_exercices_2002, p.330].

P. Hadot propose également une liste de ces exercices parmi lesquels on y
trouve : la recherche (_zetesis_), l'examen approfondi (_skepsis_), la lecture,
l'audition (_akroasis_), l'attention (_prosochè_), la maîtrise de soi
(_enkrateia_), l'indifférence aux choses indifférentes, les méditations
(_meletai_), les thérapies des passions, le souvenir de ce qui est bien,
l'accomplissement des devoirs [@hadot_exercices_2002, p.26].
L'auteur accorde une valeur particulière à l'examen de conscience que suppose
l'attention à soi (_prosochè_).
Il s'agit d'un exercice à réaliser quotidiennement, voire même plusieurs fois
par journée.
Le philosophe prend du recul sur ses actes passés, soit une distance critique
vis-à-vis de sa manière d'être qu'il confronte au système de valeurs auquel il
prétend appartenir.
Une des méthodes pour réaliser cet exercice est l'écriture de soi.
Le philosophe couche par écrit les actions effectuées durant une période
précise, il s'y raconte.
C'est ce que fait Marc-Aurèle dans les _Pensées pour moi-même_
[@hadot_exercices_2002, p.149].

[ajouter quelques lignes sur Marc-Aurèle]

En faisant un anachronisme, cette pratique de l'écriture de soi pourrait
aisément être confondue avec une écriture diaristique ou se rapprocher du récit
autobiographique.
Ce qui est également le cas avec _Les Confessions_ de Rousseau ou les
_Méditations_ de Descartes.
Elles peuvent effectivement être lues comme un récit autobiographique ou alors
comme la réalisation d'une _askesis_ où l'auteur utilise l'écriture pour exercer
une tension entre un récit de lui-même et des réflexions philosophiques. 
Le succès de cette méthode qu'est l'écriture perdure pendant plusieurs siècles
comme en témoigne les écrits d'Athanase d'Alexandrie dans la _Vie d'Antoine_
vers l'an 360 (soit environ 40 ans avant les _Confessions_ d'Augustin).
P. Hadot en cite le passage suivant [@hadot_exercices_2002, p.90] :

> Que chacun note par écrit, conseille Antoine, les actions et les mouvements de
> son âme, comme s'il devait les faire connaître aux autres. En effet,
> poursuit-il, nous n'oserions certainement pas commettre des fautes en public,
> devant les autres. Que l'écriture tienne donc la place de l'oeil d'autrui.

Ainsi, l'examen de conscience, dont la finalité est la maîtrise de soi, peut
être réalisé par une série d'étapes dont la première est l'introspection qui est
accomplie grâce à une mise en récit de soi via un medium, l'écriture, et génère
alors une deuxième étape, celle de l'extériorisation de soi.
L'écriture dépasse la simple condition de support / outils grâce auquel une
information peut être transmise et devient la condition _sine qua non_ de
l'accès à l'autre. 

À titre d'exemple, un passage de la lettre [nombre] de Sénèque à Lucilius
contient ceci : « Sans doute l'homme devrait
toujours se conduire comme s'il avait des témoins, toujours penser comme si
quelqu'un pouvait lire au fond de son coeur ».
Exception faite pour l'écriture, la méthode que propose Sénèque est très
similaire à celle de Saint-Antoine, et s'incarne à travers la lettre qu'il
envoie à Lucilius en tant que medium.

Sénèque nous indique dès le début de la lettre qu'il s'agit de
l'exercice de l'examen de soi : « Je vais donc me mettre à m'observer, et, pour
plus de sûreté, je ferai le soir la revue de ma journée. »
Si nous considérons qu'il s'agit bien là de la réalisation d'un exercice
spirituel, et en sachant que Sénèque est un philosophe de l'école stoïcienne,
nous pouvons en déduire que cette lettre comporte finalement un double enjeu.
Le premier est explicite : Sénèque fait une démonstration à Lucilius comme un
maître peut le faire avec son élève.
Le second est la réalisation de l'exercice pour Sénèque lui-même.
En réalisant cet exercice dans le cadre d'une leçon qu'il dispense, Sénèque en
profite pour appliquer cette méthode et écrire son examen de conscience qu'il va
pouvoir livrer à Lucilius qui, en l'occurrence, incarne l'autre.
La conjugaison au futur employée dans la lettre donne à penser que Sénèque
prémédite les actions et mouvements qu'il va réaliser dans la journée.
Il fait en sorte que ses actions soient vertueuses pour qu'il n'y ait rien dont
il puisse avoir honte car il sait que Lucilius sera témoin de son récit.

L'exemple de la lettre de Sénèque à Lucilius permet de faire émerger la
dimension sociale du document, en tant que dépassement de ce que J-M. Salaün
caractérise par les aspects intime et éphémère que peut revêtir l'écriture
dans son environnement documentaire (inscription + support) [-@salaun_chronique_2004]. 

L'exercice philosophique nécessite en ce sens un medium, dans ce cas-ci
l'écriture d'un document, pour ajouter un mouvement d'extériorisation à une
première dynamique introspective.
Le philosophe créé un document contenant un récit de lui-même afin de mobiliser
l'autre et se donner à voir, pour mettre en évidence ce qui lui est intérieur.

Néanmoins, il ne s'agit pas uniquement de se livrer à autrui, d'ailleurs ce
n'est pas le regard que l'autre peut porter sur soi qui importe.
Qu'il s'agisse de Sénèque ou d'Antoine, leur méthode convoque un autre qui est
soit « public », soit « témoin ».
L'autre ainsi convoqué dans ce mouvement d'extériorisation est avant tout un
autre social et politique.
Finalement, le philosophe se doit d'être irréprochable, sa conduite doit
correspondre à l'image attendu d'un philosophe dans l'école mais aussi et
surtout dans la cité (grecque).
Il ne dépend pas du regard que peuvent porter les citoyens sur lui, mais plutôt
d'un système de valeurs qui le détermine en tant que philosophe. 
La question de la maîtrise de soi et de l'examen de conscience est donc
fondamentalement éthique et sociale.
Ainsi, le philosophe se réalise entre autre au travers d'un espace, le document,
dont la fonction principale est de reccueillir et de matérialiser les médiations
permettant l'émergence du philosophe.
En ce sens, le philosophe ne pré-existe pas le document mais en devient le
produit.

P. Hadot nous signale également que cette tradition de l'exercice philosophique
a perduré sous d'autres formes jusqu'à nos jours, d'abord reprise par les
chrétiens comme en témoigne les écrits de Saint-Antoine, Saint-Augustin ou
encore Thomas d'Aquin puis reprise par des philosophes tels que Descartes et
Rousseau que nous avons nommé précédemment et enfin certains philosophes
contemporains à l'image de Foucault [@hadot__].

Au-delà du lien émis entre les philosophes de chaque époque, P. Hadot met en
évidence l'apport épistémologique de l'héritage grec dans notre acception
contemporaine des sciences humaines [@hadot__, p.]. 
Cet héritage se traduit en partie par la présence de documents circulant entre
les pairs de cette sphère savante mais aussi dans l'espace public.
Ces documents peuvent être englobés sous le terme de publication scientifique.

L'histoire des publications scientifiques remonte à l'apparition de plusieurs
dispositifs de transmission des informations : voie postale + imprimerie 


Conclusion : la tradition de l'écriture et de la circulation des documents,
malgré les différents types de support employés, met en évidence l'importance du
document, en tant que medium dans cette pratique ...

## Le document numérique au prisme de la théorie des médias

1. Définir le document (faire un bref point de présentation de Pédauque)

Le document est un objet délicat à définir tant il revêt des formes différentes.
C'est certainement lié au fait que l'emploi du terme _document_ désigne une
multitude d'objets que nous manipulons au quotidien dans différents lieux et
espaces sociaux, que ce soit sur le lieu de travail, à l'école ou à
l'université, dans des administrations publiques ou encore chez soi.
Un document peut très bien prendre l'apparence d'un formulaire administratif
laissé sur le coin d'un bureau ou un livre bien ordonné sur une étagère d'une
bibliothèque ou encore une photographie stockée dans les locaux des Archives
nationales.
La notion de document est finalement un terme très générique que l'on a du mal à
circonscrire du fait qu'il puisse désigner autant d'objets divers.

D'un point de vue étymologique, le _Gaffiot_ nous indique que _documentum_
signifie «\ exemple, modèle, leçon, enseignement, démonstration\ », définition
qui ne fait pas forcément référence à un support de l'information alors que dans
son acception plus contemporaine l'on désigne un document par celui-ci.

 
Les travaux de Paul Otlet

> 1. Livre (Biblion ou Document ou Gramme) est le terme conventionnel employé ici
> pour exprimer toute espèce de documents. Il comprend non seulement le livre
> proprement dit, manuscrit ou imprimé, mais les revues, les journaux, les
> écrits et reproductions graphiques de toute espèce, dessins, gravures, cartes
> schémas, diagrammes, photographies, etc. La Documentation au sens large du
> terme comprend\ : Livre, éléments servant à indiquer ou reproduire une pensée
> envisagée sous n'importe quelle forme.
> 2. Le Livre ainsi entendu présente un double aspect\ : a) il est au premier
>    chef une oeuvre de l'homme, le résultat de son travail intellectuel\ ; b)
>    mais, multiplié à de nombreux exemplaires, il se présente aussi comme l'un
>    des multiples objets créés par la civilisation et susceptible d'agir sur
>    elle\ ; c'est le propre de tout objet ayant caractère corporel et agencé
>    techniquement.
> - [@otlet_livre_2015, p.9]

> 1. Qu'est-ce qui dans le Livre lui est propre, qu'est-ce qui est proprement
>    bibliographique\ ? On a déjà dit la distinction entre\ : a) la Réalité
>    objective, b) la Pensée subjective ou l'état de conscience provoqué ou le
>    moi par la réalité, c) la Pensée objective qui est l'effort de la réflexion
>    combinée et collective sur ces données premières jusqu'à la science
>    impersonnelle et totale, d) la Langue, instrument collectif de l'expression
>    de la Pensée. Collection totale, tout livre contient ces quatre éléments
>    associés concrètement en lui-même et que, par abstraction seulement, il est
>    possible de dissocier et d'étudier à part. Ce qui est propre au livre,
>    c'est le cinquième élément\ : la pensée désormais fixée par l'écriture des
>    mots ou l'image des choses, signes visibles, fixés sur un support matériel.
> - [@otlet_livre_2015, p.10]

> Le définition la plus générale qu'on puisse donner du Livre et du Document est
> celle-ci\ : un support d'une certaine matière et dimension, éventuellement
> certain pliage ou enroulement sur lequel sont portés des signes représentatifs
> de certaines données intellectuelles.
> - [@otlet_livre_2015, p.43]

Les travaux de Suzanne Briet (avec l'Antilope)
    - selon la typologie de Briet, les publications scientifiques sont des
      documents secondaires (par rapport à l'objet dont elles traitent qui sont
le document principal).

Donker Duyvis : 

> A document is the repository of an expressed thought.
> Consequently its contents have a spiritual character.
> The danger that blunt unification of the outer form exercises a repercussion
> on the contents in making the latter characterless and impersonal,
> is not illusory....
> In standardizing the form and layout of documents it is necessary to restrict this
> activity to that which does not affect the spiritual contents and which serves to
> remove a really irrational variety. 
> (Donker Duyvis, 1942. Translation from Voorhoeve, 1964, 48)

Note : Nous ne sommes pas d'accord avec cette proposition !! 
Outre-Atlantique, Buckland (1997) défini le document à partir de la
documentation et des travaux de Paul Otlet et de Suzanne Briet du début du 20^e^
siècle.
La documentation serait comprise comme un ensemble d'informations -- communément
appelés documents -- et un système d'organisation et de recherche des
connaissances à l'intérieur de ce jeu d'informations.

Le collectif Roger T. Pédauque
Revenir sur le phénomène de documentarisation fin 19e et début 20e.
Puis redocumentarisation à l'aube du 21e s.

Le document peut-être appréhendé sous différents prismes, Pédauque
[-@pedauque_document_2006] nous en offre trois\ :

Les travaux de la document academy

2. Définir le document numérique (pour Pedauque, = donnees + structure
avec un devenir du type document XML = donnees structurees + mise en forme (=
dissociation mise en page de la structure qui elle est réalisée par du XSL et
pas XML (Pedauque + Le Crosnier + infocom)
3. Histoire des langages de balisages (depuis SGML) et usage dans les chaînes
   éditoriales scientifiques (avec en fin l'exemple du schema XML-TEI COMMONS +
Sens public en Markdown + ekdosis (attention LaTeX est à la fois un système de
balisage et un système de commandes)
4. Considérer ce document comme un medium
    - Rappel McLuhan sur le fait que le medium = le message : il n'y a pas de
      medium mais que des médiations
    - C'est également la proposition de Kittler, à développer
    - Repris par l'éditorialisation (Merzeau + Vitali-Rosati). Faire un point
      sur editorialisation dans les courants francophones depuis Pédauque.  
    - ajouter dans cette partie (après rappel theorie des medias) que document
      numerique = donnees + structures + support (là où le support disparait
chez Pedauque, la theorie des medias nous permet de penser le support du
numérique comme composante du document numérique : hardware + software. Exemple
de document qui ne sont plus lisibles du fait de la non retrocompatibilité ou
des licences propriétaires. Autre exemple très important, le support détermine
ce que l'on peut faire ou non dans un document, ce qui change drastiquement la
façon dont le document sera composé.)
    - désaccord avec Pédauque (sujet qui faisait deja discorde entre les
      chercheurs participant à Pédauque) sur le fait que la dimension publique
est une composante fondamentale d'un document, sans elle il ne s'agit pas d'un
document (ça c'est la vision de document = medium = social). Or il s'agit plutôt
de signifier que sans médiation il ne s'agit pas d'un document. À quoi
limite-t-on les médiations ? Si c'est aux acteurs uniquement humains et en
capacité de lire/écrire alors le document est circonscrit à un cercle très privé
d'individus. En se positionnant du côté du nouveau matérialisme ...
    - on peut ajouter un exemple sur la durée de vie très courte de certains
      documents qui deviennent inaccessibles si non maintenus comme c'est le cas
de la bibliographie de Pedauque qui n'est plus accessible, même sur internet
archive 

## Conclusion

Pour définir le document comme pièce centrale de la publication scientfique,
nous nous sommes appuyés sur la théorie des médias et plus particulièrement sur
le courant matérialiste fondé par l'école de Toronto depuis McLuhan, puis repris
par Kittler dans les années 1970 en Allemagne, puis par la médiologie en France
et notamment par Louise Merzeau.
Chez L. Merzeau, nous retrouvons également une affiliation avec la pensée
kittlérienne, principalement dans son approche [déterministe/essentialiste]...
sur lesquelles reposent ses recherches.

Ajouter un mot sur la limite de ce que cette pensée fait au document...

Pour dépasser cette position, L. Merzeau s'est tournée vers les sciences de
l'information et de la communication (SIC) et a développé ses recherches autour
de la notion d'éditorialisation, à la fois depuis le courant francophone
provenant des SIC depuis Bachimont (Bachimont, Broudoux) + redocumentarisation
(Zacklad) et à la fois depuis le courant qui se développait au Québec par M.
Vitali-Rosati, plus proche des sciences humaines et de l'intermédialité
montréalaise, un autre courant historique de la théorie des médias où s'y est
développé depuis les lettres et les arts une approche de la relation entre les
médias (Tadier, Méchoulan).

Malgré le fait que L. Merzeau n'ait pas pu achever ses travaux, elle abouti à
une théorie du commun dans lequel le document pourrait .... 

D'autres travaux plus récents sur l'éditorialisation (Vitali-Rosati), propose
également une autre forme de dépassement de cette posture essentialiste par la
mobilisation de théories provenant du courant posthumaniste (Hayles, Barad) ...

En revenant à la dimension sociale que Pédauque attache au document en tant que
medium, et aux conditions de lecture / écriture de ces documents, il est
nécessaire d'ajouter à cette définition la prise en compte de l'environnement
numérique pour qu'une communauté puisse accéder à ce document.
Cet environnement ne doit pas être réduit à une simple couche logicielle
permettant d'accéder au document, mais doit prendre en considération la totalité
des protocoles, des formats, des règles et normes qui déterminent les
possibilités d'établissement d'un document.

Toutefois, cette proposition pourrait rencontrer une limite selon la taille de
la sphère sociale concernée par un document, car elle sous-entendrait une
préconisation pour un environnement numérique et unique identique pour toutes
les personnes concernées.
Au contraire, le modèle de représentation numérique défendue dans cette thèse, à
l'instar de la thèse de l'ouvrage _L'Éloge du bug_ [@vitali-rosati_eloge_2024]
doit être pluriel.

Proposition de définition du document : le document est un espace délimité et figé à un
instant donné regroupant des traces et des indices organisés qui puissent être
lues (au sens de la lecture humaine) ou interprétées (au sens de
l'interprétation non-humaine, une autre entité).
Ce changement de paradigme permet de sortir d'une vision anthropocentrée
du document où le langage serait le maître mot (selon le paradigme de
représentation) au profit d'une forme de performativité du document dans son
environnement, et de toute la matérialité qui le constitue. De ce fait, chaque
entité impliqué dans cet écosystème peut être amenée à agir dans et/ou avec le
document (au sens d'une interprétation suivie d'une action).