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title: "Une épistémologie du document centrée sur le medium"
date: 2024-08-07
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Notes pour le billet :
- potentiel titre de la these: le `<em>`mal`</em>`traitement du texte
- du fait de l'importance accordée à l'objet public (publié), aka revue, livre,
blog, etc., l'objectif de l'édition est de se concentrer sur un modèle
éditorial (un modèle épistémologique) et de transformer un document X pour qu'il
soit conforme à ce modèle épistémologie.
- ce faisant, nous oublions ou laissons de côté le document source original et
les conditions de son élaboration.
- peut-être utiliser Bergin et Kirshenbaum pour montrer que depuis l'arrivée
de Microsoft, on a un seul modèle du numérique présent et qu'on ne le
questionne plus ? trouver d'autres sources.
- un pan des études littéraires, la génétique du texte, se concentre sur cet
aspect là, principalement dans le traitement de textes pré-numériques.
- Qu'en est-il lorsqu'il s'agit de textes contemporains créés nativement dans un
espace numérique ?
- L'importance accordée à l'objet publié, héritée de l'imprimé, prime
également pour les documents numériques...
- la chaîne éditoriale se concentre principalement sur le résultat à obtenir
au détriment de documents intermédiaires nécessaires à l'acte de
publication.
- d'ailleurs, le post-traitement de ces objets publiés ne s'intéresse pas
non plus au modèle épistémologique qui le constitue (ex: fouille de texte)
- Pourtant, depuis l'Antiquité et la période hellenistique, le rapport des
savants à l'écriture et à leurs textes ... (Hadot)
- Fait également hérité durant l'époque des Lumières puis des premières revues
.... (raconter l'histoire de chacun) jusqu'au numérique
- Cette perspective sur le document comme élément au coeur du processus
d'écriture (et donc du sens qui en émerge) nous mène vers la théorie des
médias ...
- Nécessité de définir le document
- Revue de littérature sur la théorie des médias en partant de McLuhan
- Proposer un cadre posthumain pour justifier la valeur accordée au document (si
souvent oublié de nos recherches).
## Introduction
Le texte et les théories qui s'y rapportent fondent leur épistémologie autour du
signe [@barthes, @kristeva].
Lorsqu'il s'agit d'étudier un texte, que l'on vienne de la sémiologie, de la
philologie ou de la génétique des textes, ce sont les unités sémiotiques, les
mots et autres agencements de signes qui constituent l'objet étudié.
Cependant, cette perspective ne permet pas de rendre compte de ce que pourrait
être une épistémologie du document, celui-ci comprenant à la fois le texte et
son support.
Les conditions de rédaction d'un texte
sur une stèle, un post-it, une ardoise, du papier ou de la
silice ne sera pas composé dans
Les conditions de l'établissement d'un document durant l'Antiquité ne sont pas
comparables aux conditions que l'on connait au 21^e^ siècle avec le numérique.
En ce sens
Un document ... puis un document numérique [@pedauque, @zacklad, ....]...
Afin de pouvoir
## Lien entre pratique d'écriture savante et medium
À l'instar de Barthes pour qui la centralité du signe dans le texte remonte aux
stoïciens (dates ...),
Dans son ouvrage _Exercices spirituels et philosophie antique_, Pierre Hadot
décrit ce qu'était la philosophie antique durant l'apogée de la civilisation
grecque que l'on peut situer à partir de la période des présocratiques (environ
700 av. JC) jusqu'à la fin de la période hellénistique (31 av. JC.).
Durant cette période, la philosophie n'était pas seulement un exercice de pensée
pour répondre aux questions sur l'existence de l'être et son rapport au monde,
mais était un mode de vie qui se pratiquait au quotidien.
Elle était pratiquée par celles et ceux qui aimait et désirait la Sagesse.
L'objectif n'était pas d'atteindre cette sagesse, car elle est l'apanage des
dieux, mais d'en frayer la voie pour s'en rapprocher.
Les philosophes de l'antiquité, à la différence de leurs contemporains
spécialistes du savoir, les sophistes, modifiaient ainsi leur façon de vivre et
l'accordaient à un système de valeurs vertueuses aligné sur les préceptes de
l'école ou du courant philosophique auquel ils étaient rattachés.
La philosophie pratiquée par les anciens était plus qu'un mode de pensée, elle
était une « manière d'être » [@hadot_exercices_2002, p.77].
Afin de parcourir ce chemin vertueux, les différentes écoles et courants ont mis
au point des séries d'exercices spirituels que le philosophe pratiquait au
quotidien.
L'étymologie de ces exercices est strictement identique à celle de l'ascèse
chrétienne : _askesis_.
Les deux termes ont une origine commune mais une signification bien différente.
À ce propos, P. Hadot nous met en garde quant à la confusion possible entre ces
deux *askesis*.
L'*askesis* chrétienne se rapproche de la définition contemporaine du terme,
c'est-à-dire de l'abstinence ou de la restriction de nourriture, de boisson, de
relation sexuelle, etc. ; alors que l'*askesis* grecque ne renvoie qu'aux
exercices spirituels que nous avons mentionnés, qualifiés comme étant « une
activité intérieure de la pensée et de la volonté » [@hadot_exercices_2002,
p.78].
La philosophie antique, à travers l'*askesis*, agit comme une « thérapeutique
des passions » [@hadot_exercices_2002, p.22].
Une pratique assidue permet de se dépouiller de ces dernières et d'opérer une
objectivation du monde débarassée des perceptions subjectives et des affects.
« L'intériorisation [réalisée à travers cette vie ascétique] est dépassement de
soi et universalisation » [@hadot_exercices_2002, p.330], notamment chez les
épicuriens et les stoïciens.
En somme, lorsque le philosophe entreprend son parcours, il en vient à se
détacher de sa condition humaine et, par un mouvement d'extériorisation,
développe une « nouvelle manière d'être-au-monde [...] qui consiste a prendre
conscience de soi comme partie de la Nature » [@hadot_exercices_2002, p.330].
P. Hadot propose également une liste de ces exercices parmi lesquels on y
trouve : la recherche (_zetesis_), l'examen approfondi (_skepsis_), la lecture,
l'audition (_akroasis_), l'attention (_prosochè_), la maîtrise de soi
(_enkrateia_), l'indifférence aux choses indifférentes, les méditations
(_meletai_), les thérapies des passions, le souvenir de ce qui est bien,
l'accomplissement des devoirs [@hadot_exercices_2002, p.26].
L'auteur accorde une valeur particulière à l'examen de conscience que suppose
l'attention à soi (_prosochè_).
Il s'agit d'un exercice à réaliser quotidiennement, voire même plusieurs fois
par journée.
Le philosophe prend du recul sur ses actes passés, soit une distance critique
vis-à-vis de sa manière d'être qu'il confronte au système de valeurs auquel il
prétend appartenir.
Une des méthodes pour réaliser cet exercice est l'écriture de soi.
Le philosophe couche sur le papier les actions effectuées durant une période
précise, il s'y raconte.
C'est ce que fait Marc-Aurèle dans les _Pensées pour moi-même_
[@hadot_exercices_2002, p.149].
[ajouter quelques paragraphes sur Marc-Aurèle]
En faisant un anachronisme, cette pratique de l'écriture de soi pourrait
aisément être confondue avec une écriture diaristique ou se rapprocher du récit
autobiographique.
Ce qui est également le cas avec _Les Confessions_ de Rousseau ou les
_Méditations_ de Descartes.
Elles peuvent effectivement être lues comme un récit autobiographique ou alors
comme la réalisation d'une _askesis_ où l'auteur utilise l'écriture pour exercer
une tension entre un récit de lui-même et des réflexions philosophiques.
Le succès de cette méthode qu'est l'écriture perdure pendant plusieurs siècles
comme en témoigne les écrits d'Athanase d'Alexandrie dans la _Vie d'Antoine_
vers l'an 360 (soit environ 40 ans avant les _Confessions_ d'Augustin).
P. Hadot en cite le passage suivant [@hadot_exercices_2002, p.90] :
> Que chacun note par écrit, conseille Antoine, les actions et les mouvements de
> son âme, comme s'il devait les faire connaître aux autres. En effet,
> poursuit-il, nous n'oserions certainement pas commettre des fautes en public,
> devant les autres. Que l'écriture tienne donc la place de l'oeil d'autrui.
Ainsi, l'examen de conscience, dont la finalité est la maîtrise de soi, peut
être réalisé par une série d'étapes dont la première est l'introspection qui est
accomplie grâce à une mise en récit de soi via un medium, l'écriture, et génère
alors une deuxième étape, celle de l'extériorisation de soi.
L'écriture dépasse la simple condition de support / outils grâce auquel une
information peut être transmise et devient la condition _sine qua non_ de
l'accès à l'autre.
À titre d'exemple, si nous reprenons le passage cité précédemment de la lettre
de Sénèque à Lucilius, Sénèque écrit ceci : « Sans doute l'homme devrait
toujours se conduire comme s'il avait des témoins, toujours penser comme si
quelqu'un pouvait lire au fond de son coeur ».
Exception faite pour l'écriture, la méthode que propose Sénèque est très
similaire à celle de Saint-Antoine, et elle s'incarne à travers la lettre qui
est employée comme medium.
La relecture de la lettre de Sénèque sous le prisme de l'exercice spirituel
modifie l'interprétation que l'on peut en faire.
De plus, Sénèque nous indique dès le début de la lettre qu'il s'agit de
l'exercice de l'examen de soi : « Je vais donc me mettre à m'observer, et, pour
plus de sûreté, je ferai le soir la revue de ma journée. »
Si nous considérons qu'il s'agit bien là de la réalisation d'un exercice
spirituel, et en sachant que Sénèque est un philosophe, nous pouvons en déduire
que cette lettre comporte finalement un double enjeu.
Le premier est explicite : Sénèque fait une démonstration à Lucilius comme un
maître peut le faire avec son élève.
Le second est la réalisation de l'exercice pour Sénèque lui-même.
En réalisant cet exercice dans le cadre d'une leçon qu'il dispense, Sénèque en
profite pour appliquer cette méthode et écrire son examen de conscience qu'il va
pouvoir livrer à Lucilius qui, en l'occurrence, incarne l'autre.
La conjugaison au futur employée dans la lettre donne à penser que Sénèque
prémédite les actions et mouvements qu'il va réaliser dans la journée.
Il fait en sorte que ses actions soient vertueuses pour qu'il n'y ait rien dont
il puisse avoir honte car il sait que Lucilius sera témoin de son récit.
Cet exemple fait émerger plusieurs propriétés de l'intimité qui sont évoquées
dans la lettre de Sénèque et que l'on peut, par extension, appliquer à la
philosophie antique.
Tout d'abord, cette intimité naît de la pratique de la philosophie et des
exercices qui l'accompagnent.
Ce n'est donc pas quelque chose qui serait donné et pré-existant à soi, mais
quelque chose qu'il faut construire.
Ensuite, elle nécessite un medium, dans ce cas-ci l'écriture, pour ajouter un
mouvement d'extériorisation à une première dynamique introspective.
En somme, le philosophe créé un récit de lui-même afin de mobiliser l'autre et
se donner à voir, pour mettre en évidence ce qui lui est intérieur.
Néanmoins, il ne s'agit pas uniquement de se livrer à autrui, d'ailleurs ce
n'est pas le regard que l'autre peut porter sur soi qui importe.
Qu'il s'agisse de Sénèque ou d'Antoine, leur méthode convoque un autre qui est
soit « public », soit « témoin ».
L'autre ainsi convoqué dans ce mouvement d'extériorisation est avant tout un
autre social et politique.
Finalement, le philosophe se doit d'être irréprochable, sa conduite doit
correspondre à l'image attendu d'un philosophe dans l'école mais aussi et
surtout dans la cité.
Il ne dépend pas du regard que peuvent porter les citoyens sur lui, mais plutôt
d'un système de valeurs qui le détermine en tant que philosophe.
La question de la maîtrise de soi et de l'examen de conscience est donc
fondamentalement éthique.
L'intimité n'est donc pas soi et elle ne peut exister que parce qu'il y a
présence de l'autre, l'intimité ne serait plus seulement un espace au plus
profond de l'être mais un espace qui se trouve entre l'être et l'autre, entre
soi et le monde social.
## Le document numérique au prisme de la théorie des médias
## Conclusion
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