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update de l'intimité du chercheur améliorée et du billet sur la saisie du texte
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Ainsi, parmi toutes les fonctions éditoriales que l'on pourrait énumérer, nous nous -intéressons dans ce chapitre à la saisie d'un texte et à l'environnement support +intéressons dans ce chapitre à la saisie du texte et à l'environnement support [@zacklad_organisation_2012] dans lequel il s'inscrit. +Lors de cette phase de l'écriture, cet environnement devient le lieu où se +manifeste un trouble entre ce que l'usager à l'intention d'écrire et le document +que produit la machine, qui est structuré selon les formats et protocoles +implémentés à l'intérieur de l'environnement. +Ce trouble nait de la rencontre entre une représentation du texte structurée +graphiquement et une représentation du texte structurée par du texte, comme +c'est le cas pour une page web interprétée par un navigateur et son pendant au +format HTML. +Notre intérêt se porte sur plus particulièrement sur le côté +machine de cette interaction humain-machine et comment elle perçoit, reçoit +et traite les informations pour produire le document à travers un environnement +particulier. -Une première partie sera dédiée à montrer les rouages de l'écriture numérique -en mettant en lumière le système de communication entre humain et machine à -l'aide des logiciels se trouvant à l'interface entre les deux. - -Nous nous appuyons sur les particularités de l'écriture numérique +Afin de traiter cette problématique, nous nous appuyons dans un premier temps +sur les particularités de l'écriture numérique [@bouchardon_lecriture_2014; @crozat_ecrire_2016; @souchier_numerique_2019] et sur le fonctionnement de la machine pour illustrer, dans une deuxième partie, le rôle de médiation joué par les logiciels -- entendu comme une suite @@ -57,8 +67,8 @@ traitements appliqués à ces informations, jusqu'à leur stockage dans une mém informatique. Tandis que chaque environnement a ses propres modalités d'écriture que nous ne -pouvons pas toutes énumérer, nous étudions dans la deuxième partie de ce -chapitre l'éditeur de texte sémantique Stylo et les différentes représentations +pouvons pas toutes énumérer, nous nous appuyons dans la deuxième partie de ce +chapitre sur l'étude de l'éditeur de texte sémantique Stylo et les différentes représentations du texte qu'il génère. Ces représentations intermédiaires circulent entre les espaces de Stylo -- client et serveur -- par différents canaux et protocoles pour former, à travers une série de documents produits, une dynamique @@ -177,23 +187,17 @@ Comme nous le verrons plus loin, lors des mêmes années aux États-Unis, le président Johnson déclara qu'à l'échelle fédérale les ordinateurs doivent être compatibles avec la norme ASCII.]. -![Machine à écrire -portative](https://www.photo.rmn.fr/CorexDoc/RMN/Media/TR1/YECPH3/07-521403.jpg -"Machine à écrire portative") +![Machine à écrire portative](https://www.photo.rmn.fr/CorexDoc/RMN/Media/TR1/YECPH3/07-521403.jpg "Machine à écrire portative") Crédits : © Adagp, Paris. Crédit photographique : Georges Meguerditchian - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP. Réf. image : 4N40151. Diffusion image : -[l’Agence Photo de la -RMN](https://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&IID=2C6NU0CU7GAD) +[l’Agence Photo de la RMN](https://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&IID=2C6NU0CU7GAD) -![Publicité pour la machine à écrire -Valentine](https://www.photo.rmn.fr/CorexDoc/RMN/Media/TR1/VYKH9X/13-519016.jpg -"Publicité pour la machine à écrire Valentine") +![Publicité pour la machine à écrire Valentine](https://www.photo.rmn.fr/CorexDoc/RMN/Media/TR1/VYKH9X/13-519016.jpg "Publicité pour la machine à écrire Valentine") Crédits : © Adagp, Paris. Crédit photographique : Jean-Claude Planchet - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP. Réf. image : 4F40212 [2003 CX 6098]. Diffusion -image : [l’Agence Photo de la -RMN](https://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&IID=2C6NU0DWCD6W) +image : [l’Agence Photo de la RMN](https://www.photo.rmn.fr/C.aspx?VP3=SearchResult&IID=2C6NU0DWCD6W) Pourtant, les derniers modèles fabriqués par ces entreprises l'ont été dans les années 1980 et 1990, comme c'est le cas du modèle ETP 55 Portable^[Cette machine @@ -208,4 +212,413 @@ l'informatique. Pour preuve, en 1983, Perry A. King et Antonio Macchi Cassia conçoivent le premier ordinateur personnel d'Olivetti avec le modèle M10 en adaptant un clavier à un écran à cristaux liquide. +et ordinateur, équipé du processeur Intel 80C85 en 8-bits, pouvait également se +connecter à tout un ensemble de périphériques comme des imprimantes. + +![Photo d'un M10](http://munk.org/typecast/wp-content/uploads/2014/08/15635.jpg "Photo d'un M10") + +Crédits : Photo trouvée sur le blog +[Munk.org](https://munk.org/typecast/2014/08/03/back-to-the-future-pram-and-the-promise-of-unified-memory-again/), +site consulté le 22 février 2024. + +Il faut se rappeler qu'au début des années 1980 il n'est pas encore certain que +l'ordinateur personnel (avec sa tour et son écran à tube cathodique) deviendra +l'outil d'écriture par excellence. +À cette époque, les machines à écrire ont encore quelques avantages sur les +plans esthétique, financier et social puisque on les retrouve encore implantées +à la fois dans les sphères professionnelles et personnelles. + +La fin des années 1970 et les années 1980 marquent un tournant décisif pour +l'ordinateur personnel avec l'apparition des logiciels de traitement de texte et +la bataille qui sévit durant toute cette période. +M. Kirschenbaum et T. Bergin détaillent dans leurs travaux cette course au +développement de logiciels durant cette période pour obtenir un monopole sur le +marché [@bergin_origins_2006; @bergin_proliferation_2006; +@kirschenbaum_track_2016]. +Avant l'engouement pour les interfaces graphiques et les gestionnaires de +fenêtres -- 1983 et 1984 avec l'entreprise Apple qui s'est largement inspirée +des interfaces graphiques développées par Xerox PARC dans les années 1970 -- la +seule interface affichée à l'écran était un terminal et la navigation se faisait +au moyen de commandes. +Les premiers logiciels de traitement de texte comme Electric Pencil ne +permettent pas alors une gestion de la mise en page idéale ni ne fonctionne sur +tous les modèles d'ordinateurs présents sur le marché^[Un autre logiciel comme +`TeX` développé en 1984 par Donald Knuth tente de résoudre ce problème de la +mise en page selon une approche WYSIWYM alors que la tendance est plutôt aux +interfaces WYSIWYG]. +Ainsi, écrire sur un support connecté paraît aujourd'hui être une évidence alors +qu'il a fallut déployer de lourds efforts à une époque ou cette évidence était +incertaine. + +L'écriture numérique est ainsi à distinguer de l'écriture dans un environnement +numérique : un ordinateur, Internet, le Web, une calcultrice ou une machine à +écrire de la dernière génération. +En tant qu'abstraction, l'écriture numérique est une représentation du monde +donnée, dont la qualification à travers un medium permet de l'incarner +physiquement et matériellement mais pas de la circonscrire. +En somme, cette représentation numérique du monde n'est pas nouvelle et ce n'est +pas l'ordinateur qui l'a apporté. +À notre connaissance, son origine remonte aux prémisses de l'écriture et des +développements des systèmes monétaires, nous dirait C. Herrenschmidt +[-@herrenschmidt_les_2023]. + +Dorénavant, lorsque nous ferons référence à l'écriture numérique nous parlerons +d'une écriture numérique dans un environnement informatique. + +### Les particularités de l'écriture numérique + +L'écriture numérique diffère d'une écriture plus traditionnelle -- par exemple +manuscrite -- et se distingue notamment par trois caractéristiques que sont la +calculabilité [@crozat_ecrire_2016], la variabilité [@bouchardon_lecriture_2014] +et la rupture sémiotique entre le geste d'écriture et l'inscription sur le +support [@souchier_numerique_2019]. + +La première caractéristique est d'ordre computationnel : l'écriture devient +calculable et peut donc faire l'objet d'instructions. Pour réaliser cette +action, on procède à une équivalence où chaque signe que l'on peut inscrire dans +cet environnement à son pendant unique sous forme de bits. +Lorsque chaque caractère peut être identifié en tant que nombre, il devient +possible d'implémenter ce modèle dans une machine et de lui demander, grâce à +des instructions, d'appliquer des calculs. + +L'exemple idéal pour illustrer cette caractéristique n'est rien de moins que la +machine imaginée par Alan Turing, qu'il présente en 1936 dans son article « On +Computable Numbers, with an Application to the Entscheidungsproblem » dans la +section _Computing machines_ [-@turing_computable_1936]. +Ce que Turing décrit n'est pas une machine physique mais un modèle théorique, +une machine abstraite fondamentale pour les développements futurs de +l'informatique. +Cette machine est constituée de plusieurs éléments : + +- un ruban («_tape_») divisé en sections (appelées «_square_») dont chacune peut + porter un symbole (0 ou 1 car cette machine est dans un système binaire) +- un organe de lecture («_scan_») pour lire les symboles un à un («_scanned + square and scanned symbol_») et un organe d'écriture pour modifier un symbole +ou en écrire un nouveau si la section est vide +- une mémoire pour se rappeler des sections déjà scannées («_remember some of + the symbols which it has been "seen" (scanned) previously_») +- des instructions pour se déplacer sur le ruban, soit d'une case vers la gauche + soit d'une case vers la droite, lire et écrire («_scan and print_») ou +modifier la case scannée et se redéplacer avant de s'arrêter. + +Théoriquement le ruban sur lequel la machine exécute ses programmes est infini +vers la gauche et la droite et cela afin de permettre l'exécution des +instructions les plus complexes. +La machine de Turing ne s'intéresse pas aux résultats des instructions ni à leur +signification, d'où résulte une forme d'automatisation de l'écriture. +L'espace de la machine, aussi vaste soit-il, n'est composé que de séries de 0 et +de 1 ainsi que de différents états, renvoyant à des instructions et permettant +ainsi à la machine de modifier son propre espace. Cette capacité de modification +peut être associée à la deuxième caractéristique de l'écriture numérique que S. +Bouchardon nomme la variabilité. + +Le passage du signe à l'unité atomique et discrète qu'est le chiffre signifie un +changement de représentation du monde (au sens que K. Hayles donne au terme +_worldview_ [-@hayles_my_2005]) : le monde -- ou l'espace -- n'est alors plus +signifié par des mots ou des concepts, mais le devient par des chiffres. +Comme McLuhan nous le rappelle dès 1964 [-@mcluhan_pour_1977], les alphabets +composés de lettres (contrairement à ceux composés de pictogrammes) sont +asémantiques. Si toutefois les alphabets sont liés à une culture d'où ils +émergent, l'abstraction nécessaire pour représenter le monde sous forme de +chiffres détacherait a priori cette vision de tout sens. +En dehors de tout modèle mathématiques abstrait, et cela quel que soit le +langage ou la base utilisée pour l'écrire, `3`, `trois`, `three`, `III`, `0011`, +`zéro zéro un un`, un chiffre ne signifie pas grand chose s'il n'est pas associé +à un système de valeurs particulier, par exemple le système métrique ou le +système international [@herrenschmidt_trois_2023]. +En échange de cette perte de signification, l'écriture numérique y gagne cette +particularité d'être calculable et mesurable. + +L'écriture numérique se distingue également des autres types d'écriture par une +troisième caractéristique. +Il s'agit de la première forme d'écriture où le geste d'écrire ne correspond pas +à l'action d'inscription du signe sur son support, phénomène que J. Bonaccorsi +nomme déliaison [@bonaccorsi_fantasmagories_2020]. +Lorsqu'on appuie sur une touche du clavier, par exemple la lettre `a`, cette +lettre n'est pas inscrite à l'écran : l'instruction d'inscrire un signe dans la +mémoire de l'ordinateur est donnée à la machine, puis celle de l'afficher à +l'écran au moyen d'un logiciel particulier [@kittler_mode_2015; +@souchier_numerique_2019]. +Néanmoins, le fait d'appuyer sur une touche du clavier lorsque l'ordinateur est +sous tension ne suffit pas pour déclencher cette instruction : si aucun +environnement dédié à l'écriture n'est préalablement exécuté, le fait d'enfoncer +une touche ne déclenchera aucune réaction de la part de la machine. +Par contre, lorsque l'on se situe dans un environnement où cette réaction est +attendue, comme un éditeur de texte, la frappe d'une touche déclenchera un +événement et le logiciel pourra générer l'instruction correspondant à l'action +d'écrire. + +[ecrire une phrase ou deux de transition] + +### La machine, une entité formée du couple matériel/logiciel. + +La représentation d'un ordinateur est souvent associée à un couple matériel / +logiciel. +La partie matérielle concerne tous les composants électroniques (carte mère, +mémoires, périphériques, etc.), alors que la partie logicielle englobe tous les +programmes permettant d'interagir avec la partie matérielle, comme le BIOS +(_Basic Input Output System_), le système d'exploitation ou encore un logiciel +de traitement de texte comme LibreOffice. + +Ce couple matériel / logiciel range l'ordinateur dans la catégorie des appareils +programmables. +La plupart de nos appareils du quotidien ne sont pas programmables : il +exécutent ce pour quoi ils sont conçus et ne font rien d'autre. +Dans le cas d'un ordinateur ou d'un téléphone intelligent, ou de tout autre +appareil programmable, leur conception prévoit qu'ils soient manipulables : +elles n'ont pas de fonction précise, néanmoins elles sont capables de répondre à +plusieurs fonctions. +Un ordinateur qui n'a aucune instruction ne pourra rien faire une fois alimenté. +C'est là que les logiciels interviennent : ils permettent un usage déterminé +d'un ordinateur en manipulant des informations de façon à exécuter une suite +d'instructions formelles. + +Pour fonctionner, un ordinateur n'a besoin que des éléments suivants : une +alimentation, un processeur, une mémoire vive, des entrées et sorties et une +carte mère auxquels viennent s'ajouter un certains nombre de périphériques +(écrans, souris, clavier, etc.), des extensions pour prendre en charge une +partie des calculs que l'on peut appeler des cartes filles (carte son, carte +graphique) et des mémoires de stockage (disques durs). + +Le processeur, ou microprocesseur pour les ordinateurs modernes, est le +calculateur central de l'ordinateur, c'est cet élément qui manipule toutes les +données à traiter -- que l'on appelle aussi le(s) coeur(s) de l'ordinateur. +Chaque modèle de processeur à une architecture qui lui est propre, ce qui veut +dire que chacun traite les informations **différemment** (même si le résultat +obtenu est identique). +Un processeur est un assemblage de multiples types de circuits dont l'élément le +plus petit est le transistor. +L'évolution des processeurs a suivi la loi Moore jusqu'au début des années +2020^[La première loi de Moore est relative à l'évolution des processeurs dans +le temps et stipule que le nombre de transistors présents dans les processeurs +doublera tous les dix-huit mois pour un coût constant.], date à partir de +laquelle nous arrivons à la limite physique de la miniaturisation d'un +transistor. + +Le premier processeur commercialisé, le processeur Intel 4004, l'a été en +1971^[Voir la page web correspondante sur le site de l'entreprise Intel, +consulté le 16 février 2024 : +https://www.intel.fr/content/www/fr/fr/history/museum-story-of-intel-4004.html.]. +Il s'agissait d'un processeur 4-bits comportant pas moins de 2300 transistors. +Lors de la commercialisation de cet objet s'opère un changement radical dans la +conception des ordinateurs puisque, dès lors, du fait de la miniaturisation de +ce composant, les ordinateurs deviennent accessibles au grand public. +En suivant la première loi de Moore, les microprocesseurs ont continué à évoluer +jusqu'à atteindre le nombre de plusieurs milliards de transistors par +processeur, démultipliant ainsi leur capacité de traitement des informations. + +Cette miniaturisation est rendue possible par la gravure des transistors dans +des disques de silice (_wafer_) plutôt que l'usage plus coûteux et instable de +relais et de tubes électroniques. +Un transistor est un composant électronique dont le rôle est de laisser passer +ou non le courant grâce aux propriétés du semi-conducteur à partir duquel il est +fabriqué. +En fonction de la valeur du courant qui lui est appliqué, le résultat associé à +ce courant sera `0` ou `1`. +Ce transistor est l'élément physique qui incarne les portes logiques (ET, OU, +OUI, NON, XOR, etc.) et traitent les données. +Parmi tous les traitements possibles, certains nécessitent de garder en mémoire +des résultats intermédiaires pour aboutir. +Ils sont alors stockés dans la mémoire vive en attendant d'être réutilisés. + +Toutes ces informations traitées, qu'elles soient transformées ou mémorisées, +proviennent de ce que l'on nomme des _entrées_. +Ce sont ces entrées qui encodent les informations en chiffres. +Une fois traitées, ou lorsqu'elles sont appelées par un programme, ces données +transitent par les _sorties_. +Elles font la transformation inverse et décodent les chiffres en signes +interprétables. + +L'encodage et le décodage des caractères accompagne toute l'histoire de +l'informatique (et du numérique). +Aux prémices de l'informatique, chaque matériel comportait ses propres +programmes et tables d'encodage, rendant ainsi possible la transposition des +données d'un matériel à un autre par équivalence. +Cependant, dans la plupart des cas, les données ne pouvaient pas circuler entre +les différents modèles d'ordinateur, ou alors au moyen de transformations +fastidieuses, rendant ainsi les traitements réalisés sur les données enfermés +dans des silos. +La norme ASCII (_American Standard Code for Information Interchange_) fait son +apparition dans les années 1960 pour résoudre l'enjeu d'interopérabilité de +l'encodage des données. +Soumise à l'_American Standards Association_ (d'abord ASA puis ANSI) en 1961 par +l'un de ses inventeurs, Bob Bemer, puis approuvée en 1963, l'ASCII permet +d'encoder 128 caractères sur 7 bits. +Néanmoins, ce n'est pas parce qu'un encodage est reconnue en tant que norme que +son usage est effectif à l'instant même de sa reconnaissance. +Il faut attendra 1968 que le président des États-Unis d'Amérique Johnson demande +à ce que l'ASCII devienne la norme fédérale d'encodage des informations afin de +réduire les incompatibilités au sein des réseaux de télécommunication pour +qu'elle commence à se répandre. +Dès 1969, tous les ordinateurs achetés par le gouvernement des États-Unis +étaient compatibles avec la norme ASCII. +Du côté des ordinateurs personnels, il faudra attendre le début des années 1980 +pour que cette norme se répande grâce, entre autre, à son implémentation dans +les ordinateurs construits par IBM. +La norme X3.4:1986 en vigueur aujourd'hui, a été déposée auprès de l'ANSI en +1986. +C'est à partir de cette norme que d'autres ont été développées et restent +compatibles ASCII, comme c'est par exemple le cas de la norme Unicode, publiée +en 1991, qui est la plus répandue de nos jours puisqu'elle encode le plus de +caractères. +Si ASCII contient 128 points de code, le standard Unicode permet d'en encoder +plus de 149 000 sur une vingtaine de bits par point de code dans sa version 15.1 +(de 2023). +Afin de préserver cette compatibilité entre les normes, il est d'usage d'encoder +les 128 premiers caractères de façon identique à la norme ASCII. + +Il est intéressant d'introduire les logiciels et leur fonctionnement à partir du +matériel composant l'ordinateur et plus particulièrement à partir de la carte +mère. +Les fournisseurs de carte mère incorpore généralement dans leur carte une +première couche d'abstraction matérielle, un BIOS (_Basic Input Output +System_^[Système élémentaire d'entrée sortie]), flashé dans la mémoire morte de +l'ordinateur et programmé pour s'exécuter lors de la mise sous tension de ce +dernier. +Ce que l'on appelle _couche d'abstraction matérielle_ en informatique représente +la couche logicielle qui se trouve entre la partie matérielle et le système +d'exploitation. Comme son nom l'indique, la fonction principale de cette couche +est de permettre la manipulation du matériel tout en faisant abstraction de +celui-ci. +Le BIOS, ce tout premier jeu d'instructions qu'un ordinateur réalise, est un +programme propriétaire chargé d'initialiser la séquence d'amorçage (_boot_) de +l'ordinateur, de trouver le système d'exploitation, les périphériques (_a +minima_ le clavier et l'écran) et d'opérer quelques vérifications de bon +fonctionnement des composants comme c'est le cas de l'horloge temps réel qui +fonctionne en tout temps, même lorsque l'ordinateur est éteint, et rythme la +totalité des cycles des autres circuits. +Hormis quelques rares initiatives telles que Libreboot^[Voir le site web de +Libreboot : https://libreboot.org/, consulté le 03 avril 2024.] et +Coreboot^[Voir le site web de Coreboot : https://www.coreboot.org/, consulté le +03 avril 2024.], des logiciels libres et _open sources_ chargés de remplacer +partiellement le BIOS propriétaire, la majorité des cartes mères sont liées à +leur BIOS du fait de l'ajout par Intel, à partir de 2006, d'un sous programme +nommé _Management Engine_ (ME) qui est accompagné d'un ensemble de modules comme +_Boot Guard_ et _Secure Boot_ dont l'objectif est de veiller à ce qu'il n'y ait +pas de corruption du système d'amorçage de l'ordinateur^[Des informations sur ce +sujet sont disponibles à cette adresse sur le site web de libreboot : +https://libreboot.org/faq.html#what-systems-are-compatible-with-libreboot ou +dans la documentation des matériels d'Intel : +https://www.intel.com/content/www/us/en/search.html?ws=idsa-default#q=boot%20guard&sort=relevancy&f:@tabfilter=[Developers], +consultés le 03 avril 2024.]. Ces programmes ont sans cesse été améliorés depuis +leur introduction en 2006 et, aujourd'hui, ils empêchent toute modification de +cette couche logicielle, la plus basse d'un ordinateur, si celle-ci n'est pas +vérifiée et validée (avec un système de clés cryptées) par la firme +propriétaire/fabricante. + +Le BIOS est donc l'interface entre l'utilisateur et la machine qui nous permet +de manipuler les différentes entrées et sorties du système, donc de gérer les +périphériques, fonction que le système d'exploitation peut également réaliser +une fois que la phase d'amorçage est terminée. +Le système d'exploitation (OS pour _Operating System_), est un niveau +d'abstraction supplémentaire et se retrouve à l'interface entre les applications +logicielles et la couche matérielle. +Un OS est composé d'un ensemble de programmes permettant la bonne gestion des +ressources de l'ordinateur : mémoires, calculs, périphériques, les registres, +etc. +Chaque OS a un fonctionnement qui lui est propre : l'architecture des +informations -- l'arborescence des dossiers, l'indexation des documents et des +fichiers binaires change selon l'OS utilisé --, l'ordonnancement des tâches pour +le processeur ou encore l'allocation de la mémoire. +Malgré le fait que ce n'a pas toujours été le cas, les applications logicielles +sont installés à l'intérieur des systèmes d'exploitation et prêts à être +exécutés. +Le passage par un système d'exploitation permet aux logiciels de ne plus +dépendre d'un modèle particulier du _hardware_ et d'en faire justement +abstraction, le rendant ainsi opérable sur différentes machines. + +[faire une phrase de transition] + +### Une ouverture sur la machine + +Ce tour d'horizon des particularités de l'écriture numérique et de l'agencement +entre logiciel et matériel dans la machine nous montre que la +conception de la machine ne permet pas à un auteur d'y inscrire des signes dans +sa mémoire, ni de pouvoir les consulter directement puisqu'elle lui est +inaccessible à moins qu'un intermédiaire ne servent d'interface. +La médiation entre une machine et un auteur se fait au moyen d'un langage +compréhensible par les deux parties, que l'on assemble sous la forme +d'instructions qui, une fois empaquetées, forment un logiciel. +Pour symboliser la médiation du matériel par la mise en place du logiciel à +l'interface de l'humain et de la machine, l'entreprise Microsoft emploie la +métaphore de la fenêtre (_window(s)_) à travers laquelle l'usager voit le +numérique, et donc l'ordinateur. +Pourtant, il ne faut pas s'y méprendre, quelle que soit la fenêtre logicielle, +elle ne permet d'accéder qu'à un certain nombre fini d'instructions. +Alors qu'en tant qu'appareil programmable qui ne se souci pas de la +signification du traitement des informations ni des résultats obtenus, +l'ordinateur semble être un environnement beaucoup plus vaste que ce que cette +fenêtre ne nous laisse croire [@turing_computable_1936]. +Plutôt qu'une fenêtre comme ouverture ou passage vers le numérique, il serait +plus juste de considérer cette fenêtre comme une vision du monde parmi d'autres. +Cette vision du monde n'est pas seulement une vision particulière que l'humain a +de la machine car dans ce cas nous serions dans un paradigme anthropocentré et +utilitariste de la machine. +En nous déplaçant de l'autre côté de la fenêtre, on se rend compte que la vision +que porte la machine sur le monde est différente de la notre : la machine +incarne une autre vision du monde sous forme de matrice, où chaque élément +qu'elle perçoit l'est sous forme binaire. +Le monde n'est alors plus que chiffres, calculs et distances, comme c'est le cas +de la proposition de K. Hayles lorsqu'elle remplace Mère Nature par une Matrice +[@hayles_my_2005]. + +Un début de relation s'instaure entre l'humain et la machine grâce à l'entremise +du logiciel. +À travers cette interface, lorsque l'on touche une lettre du bout du doigt, la +machine devient alors accessible et l'impulsion (électrique) que cette action +génère se transforme en une lettre à l'écran. +Pour autant, cette accessibilité est-elle synonyme de mise en visibilité ? +Le fait que "ça marche" rendrait-il le document visible ? +C'est le rôle de l'interface graphique et des métaphores qu'elle véhicule que de +cacher le fonctionnement même de la machine [@jeanneret_y-t-il_2011]. +La déliaison convoquée par Bonaccorsi [@bonaccorsi_fantasmagories_2020] prend +place dès cet instant dans le processus d'écriture puisqu'il ne s'agit pas +seulement de délier le geste de l'inscription mais également de faire +abstraction de tout le processus d'écriture au-delà du geste. +Ainsi, le logiciel aurait une double fonctionnalité : la première est une +médiation qui ouvre le dialogue avec la machine tandis que la seconde en fait +abstraction et la cache, ce qui a pour effet de rendre la machine quasiment +invisible à l'utilisateur. +Cependant, que découvrons-nous lorsque nous retirons ce voile devant la fenêtre +? +Là se dévoile un vaste écosystème constitué de formats, des protocoles et leurs +flux d'informations et de documents, parfois temporaires, voyageant d'une étape +à une autre, prenant forme et se transformant pour suivre un cheminement +prédéfini jusqu'à la création d'un document final que l'utilisateur récupère. +Chacune de ces fenêtres offre finalement une vision particulière d'un document +et un modèle épistémologique qui lui est propre +[@vitali-rosati_editorialization_2018]. + + +Dans la partie suivante, nous étudions le logiciel Stylo à partir de l'écran comme +interface d'échange de signes entre les deux protagonistes, utilisateur et +machine, puis, en dépassant cette surface, et en nous dégageant du prisme essentialiste, nous démontrerons +que les différents agents d'un environnement -- principalement logiciels et humain +-- sont des dynamiques qui, lorsqu'elles sont agencées dans une configuration +particulière, co-construisent l'écriture. + +[détailler le prisme essentialiste en une phrase ou deux] + +## Une médiation par l'écrit + +### Le logiciel comme architexte + +[reunir peut etre ces deux sous-parties] + +### L'architexte derrière l'écran + +### La page est un doudou + +### Le logiciel est une médiation + +### Les formats déterminent la sémantique du texte + +### Co-écriture entre les agents + +- mettre les différentes représentation du texte et les traces qu'elles laissent + +### La déprise en main du texte + +- inclure les formats pivots de Stylo +## Bibliographie diff --git a/src/posts/2024-05-11-amelioration-definition-intimite-du-chercheur.md b/src/posts/2024-05-11-amelioration-definition-intimite-du-chercheur.md index 424f941..884b099 100644 --- a/src/posts/2024-05-11-amelioration-definition-intimite-du-chercheur.md +++ b/src/posts/2024-05-11-amelioration-definition-intimite-du-chercheur.md @@ -5,14 +5,7 @@ date: 2024-05-11 ## Introduction -L'intime ici mobilisé porte spécifiquement sur l'intimité des chercheurs telle -que celle-ci est produite par le processus d'édition scientifique dans un -environnement numérique. -C'est un processus que l'on peut délimiter entre deux actes, celui de la -création du document source et celui de la publication du document source une -fois que de multiples transformations lui sont opérées. - -Ainsi, le postulat initial sur lequel cette recherche s’appuie est celui de la +Le postulat initial sur lequel cette recherche s’appuie est celui de la figure du chercheur comme constituée d’écritures puisque le parcours de recherche en est jalonné de toutes sortes : des ensembles de textes d’abord sous forme de mémoire et de thèse, des diplômes ou des qualifications, puis des @@ -32,6 +25,13 @@ focaliserons pour notre recherche, et nous exclurons les autres. **Dans cette recherche est étudiée l'intimité telle qu'elle est produite par les publications scientifiques.** +L'intime ici mobilisé porte spécifiquement sur l'intimité des chercheurs telle +que celle-ci est produite par le processus d'édition scientifique dans un +environnement numérique. +C'est un processus que l'on peut délimiter entre deux actes, celui de la +création du document source et celui de la publication du document source une +fois que de multiples transformations lui sont opérées. + Néanmoins, l'établissement d'un lien entre la notion qu'est l'intime et les productions académiques n'est pas inné et nécessite d'être expliqué. Ce chapitre a donc pour objectif de définir ce que nous nommons intimité du |