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authorRochDLY <roch.delannay@gmail.com>2024-08-15 02:16:44 +0200
committerRochDLY <roch.delannay@gmail.com>2024-08-15 02:16:44 +0200
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billet sur l'epistemologie du document : ajout de quelques notes
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-title: "Le medium au coeur des pratiques d'écriture"
+title: "Une épistémologie du document centrée sur le medium"
date: 2024-08-07
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@@ -37,3 +37,181 @@ médias ...
- Revue de littérature sur la théorie des médias en partant de McLuhan
- Proposer un cadre posthumain pour justifier la valeur accordée au document (si
souvent oublié de nos recherches).
+
+## Introduction
+
+Le texte et les théories qui s'y rapportent fondent leur épistémologie autour du
+signe [@barthes, @kristeva].
+Lorsqu'il s'agit d'étudier un texte, que l'on vienne de la sémiologie, de la
+philologie ou de la génétique des textes, ce sont les unités sémiotiques, les
+mots et autres agencements de signes qui constituent l'objet étudié.
+Cependant, cette perspective ne permet pas de rendre compte de ce que pourrait
+être une épistémologie du document, celui-ci comprenant à la fois le texte et
+son support.
+Les conditions de rédaction d'un texte
+sur une stèle, un post-it, une ardoise, du papier ou de la
+silice ne sera pas composé dans
+Les conditions de l'établissement d'un document durant l'Antiquité ne sont pas
+comparables aux conditions que l'on connait au 21^e^ siècle avec le numérique.
+En ce sens
+
+Un document ... puis un document numérique [@pedauque, @zacklad, ....]...
+
+Afin de pouvoir
+
+
+## Lien entre pratique d'écriture savante et medium
+
+À l'instar de Barthes pour qui la centralité du signe dans le texte remonte aux
+stoïciens (dates ...),
+
+Dans son ouvrage _Exercices spirituels et philosophie antique_, Pierre Hadot
+décrit ce qu'était la philosophie antique durant l'apogée de la civilisation
+grecque que l'on peut situer à partir de la période des présocratiques (environ
+700 av. JC) jusqu'à la fin de la période hellénistique (31 av. JC.).
+Durant cette période, la philosophie n'était pas seulement un exercice de pensée
+pour répondre aux questions sur l'existence de l'être et son rapport au monde,
+mais était un mode de vie qui se pratiquait au quotidien.
+Elle était pratiquée par celles et ceux qui aimait et désirait la Sagesse.
+L'objectif n'était pas d'atteindre cette sagesse, car elle est l'apanage des
+dieux, mais d'en frayer la voie pour s'en rapprocher.
+Les philosophes de l'antiquité, à la différence de leurs contemporains
+spécialistes du savoir, les sophistes, modifiaient ainsi leur façon de vivre et
+l'accordaient à un système de valeurs vertueuses aligné sur les préceptes de
+l'école ou du courant philosophique auquel ils étaient rattachés.
+La philosophie pratiquée par les anciens était plus qu'un mode de pensée, elle
+était une « manière d'être » [@hadot_exercices_2002, p.77].
+Afin de parcourir ce chemin vertueux, les différentes écoles et courants ont mis
+au point des séries d'exercices spirituels que le philosophe pratiquait au
+quotidien.
+
+L'étymologie de ces exercices est strictement identique à celle de l'ascèse
+chrétienne : _askesis_.
+Les deux termes ont une origine commune mais une signification bien différente.
+À ce propos, P. Hadot nous met en garde quant à la confusion possible entre ces
+deux *askesis*.
+L'*askesis* chrétienne se rapproche de la définition contemporaine du terme,
+c'est-à-dire de l'abstinence ou de la restriction de nourriture, de boisson, de
+relation sexuelle, etc. ; alors que l'*askesis* grecque ne renvoie qu'aux
+exercices spirituels que nous avons mentionnés, qualifiés comme étant « une
+activité intérieure de la pensée et de la volonté » [@hadot_exercices_2002,
+p.78].
+La philosophie antique, à travers l'*askesis*, agit comme une « thérapeutique
+des passions » [@hadot_exercices_2002, p.22].
+Une pratique assidue permet de se dépouiller de ces dernières et d'opérer une
+objectivation du monde débarassée des perceptions subjectives et des affects.
+« L'intériorisation [réalisée à travers cette vie ascétique] est dépassement de
+soi et universalisation » [@hadot_exercices_2002, p.330], notamment chez les
+épicuriens et les stoïciens.
+En somme, lorsque le philosophe entreprend son parcours, il en vient à se
+détacher de sa condition humaine et, par un mouvement d'extériorisation,
+développe une « nouvelle manière d'être-au-monde [...] qui consiste a prendre
+conscience de soi comme partie de la Nature » [@hadot_exercices_2002, p.330].
+
+P. Hadot propose également une liste de ces exercices parmi lesquels on y
+trouve : la recherche (_zetesis_), l'examen approfondi (_skepsis_), la lecture,
+l'audition (_akroasis_), l'attention (_prosochè_), la maîtrise de soi
+(_enkrateia_), l'indifférence aux choses indifférentes, les méditations
+(_meletai_), les thérapies des passions, le souvenir de ce qui est bien,
+l'accomplissement des devoirs [@hadot_exercices_2002, p.26].
+L'auteur accorde une valeur particulière à l'examen de conscience que suppose
+l'attention à soi (_prosochè_).
+Il s'agit d'un exercice à réaliser quotidiennement, voire même plusieurs fois
+par journée.
+Le philosophe prend du recul sur ses actes passés, soit une distance critique
+vis-à-vis de sa manière d'être qu'il confronte au système de valeurs auquel il
+prétend appartenir.
+Une des méthodes pour réaliser cet exercice est l'écriture de soi.
+Le philosophe couche sur le papier les actions effectuées durant une période
+précise, il s'y raconte.
+C'est ce que fait Marc-Aurèle dans les _Pensées pour moi-même_
+[@hadot_exercices_2002, p.149].
+
+[ajouter quelques paragraphes sur Marc-Aurèle]
+
+En faisant un anachronisme, cette pratique de l'écriture de soi pourrait
+aisément être confondue avec une écriture diaristique ou se rapprocher du récit
+autobiographique.
+Ce qui est également le cas avec _Les Confessions_ de Rousseau ou les
+_Méditations_ de Descartes.
+Elles peuvent effectivement être lues comme un récit autobiographique ou alors
+comme la réalisation d'une _askesis_ où l'auteur utilise l'écriture pour exercer
+une tension entre un récit de lui-même et des réflexions philosophiques.
+Le succès de cette méthode qu'est l'écriture perdure pendant plusieurs siècles
+comme en témoigne les écrits d'Athanase d'Alexandrie dans la _Vie d'Antoine_
+vers l'an 360 (soit environ 40 ans avant les _Confessions_ d'Augustin).
+P. Hadot en cite le passage suivant [@hadot_exercices_2002, p.90] :
+
+> Que chacun note par écrit, conseille Antoine, les actions et les mouvements de
+> son âme, comme s'il devait les faire connaître aux autres. En effet,
+> poursuit-il, nous n'oserions certainement pas commettre des fautes en public,
+> devant les autres. Que l'écriture tienne donc la place de l'oeil d'autrui.
+
+Ainsi, l'examen de conscience, dont la finalité est la maîtrise de soi, peut
+être réalisé par une série d'étapes dont la première est l'introspection qui est
+accomplie grâce à une mise en récit de soi via un medium, l'écriture, et génère
+alors une deuxième étape, celle de l'extériorisation de soi.
+L'écriture dépasse la simple condition de support / outils grâce auquel une
+information peut être transmise et devient la condition _sine qua non_ de
+l'accès à l'autre.
+
+À titre d'exemple, si nous reprenons le passage cité précédemment de la lettre
+de Sénèque à Lucilius, Sénèque écrit ceci : « Sans doute l'homme devrait
+toujours se conduire comme s'il avait des témoins, toujours penser comme si
+quelqu'un pouvait lire au fond de son coeur ».
+Exception faite pour l'écriture, la méthode que propose Sénèque est très
+similaire à celle de Saint-Antoine, et elle s'incarne à travers la lettre qui
+est employée comme medium.
+La relecture de la lettre de Sénèque sous le prisme de l'exercice spirituel
+modifie l'interprétation que l'on peut en faire.
+De plus, Sénèque nous indique dès le début de la lettre qu'il s'agit de
+l'exercice de l'examen de soi : « Je vais donc me mettre à m'observer, et, pour
+plus de sûreté, je ferai le soir la revue de ma journée. »
+Si nous considérons qu'il s'agit bien là de la réalisation d'un exercice
+spirituel, et en sachant que Sénèque est un philosophe, nous pouvons en déduire
+que cette lettre comporte finalement un double enjeu.
+Le premier est explicite : Sénèque fait une démonstration à Lucilius comme un
+maître peut le faire avec son élève.
+Le second est la réalisation de l'exercice pour Sénèque lui-même.
+En réalisant cet exercice dans le cadre d'une leçon qu'il dispense, Sénèque en
+profite pour appliquer cette méthode et écrire son examen de conscience qu'il va
+pouvoir livrer à Lucilius qui, en l'occurrence, incarne l'autre.
+La conjugaison au futur employée dans la lettre donne à penser que Sénèque
+prémédite les actions et mouvements qu'il va réaliser dans la journée.
+Il fait en sorte que ses actions soient vertueuses pour qu'il n'y ait rien dont
+il puisse avoir honte car il sait que Lucilius sera témoin de son récit.
+
+Cet exemple fait émerger plusieurs propriétés de l'intimité qui sont évoquées
+dans la lettre de Sénèque et que l'on peut, par extension, appliquer à la
+philosophie antique.
+Tout d'abord, cette intimité naît de la pratique de la philosophie et des
+exercices qui l'accompagnent.
+Ce n'est donc pas quelque chose qui serait donné et pré-existant à soi, mais
+quelque chose qu'il faut construire.
+Ensuite, elle nécessite un medium, dans ce cas-ci l'écriture, pour ajouter un
+mouvement d'extériorisation à une première dynamique introspective.
+En somme, le philosophe créé un récit de lui-même afin de mobiliser l'autre et
+se donner à voir, pour mettre en évidence ce qui lui est intérieur.
+
+Néanmoins, il ne s'agit pas uniquement de se livrer à autrui, d'ailleurs ce
+n'est pas le regard que l'autre peut porter sur soi qui importe.
+Qu'il s'agisse de Sénèque ou d'Antoine, leur méthode convoque un autre qui est
+soit « public », soit « témoin ».
+L'autre ainsi convoqué dans ce mouvement d'extériorisation est avant tout un
+autre social et politique.
+Finalement, le philosophe se doit d'être irréprochable, sa conduite doit
+correspondre à l'image attendu d'un philosophe dans l'école mais aussi et
+surtout dans la cité.
+Il ne dépend pas du regard que peuvent porter les citoyens sur lui, mais plutôt
+d'un système de valeurs qui le détermine en tant que philosophe.
+La question de la maîtrise de soi et de l'examen de conscience est donc
+fondamentalement éthique.
+
+L'intimité n'est donc pas soi et elle ne peut exister que parce qu'il y a
+présence de l'autre, l'intimité ne serait plus seulement un espace au plus
+profond de l'être mais un espace qui se trouve entre l'être et l'autre, entre
+soi et le monde social.
+
+## Le document numérique au prisme de la théorie des médias
+
+## Conclusion