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title: "L'écriture numérique est collective"
date: 2024-01-12
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Résumé : En suivant les pensées de l'éditorialisation et de l'énonciation
éditoriale, l'écriture numérique n'est plus le seul produit d'une fonction
auctoriale, mais d'un ensemble de fonctions éditoriales dont la fonction
auctoriale fait partie.
Cet ensemble comprend à la fois des interventions humaines mais aussi des
interventions réalisées par la machine, à travers une série de choix
technologiques particuliers, que l'on peut englober sous le terme de chaîne
éditoriale.
Selon ce dispositif, et puisque notre hypothèse positionne l'intime en tant que
produit de l'écriture, nous pouvons nous demander si l'ensemble des fonctions
éditoriales ne participeraient-elles pas à produire l'intimité du chercheur et à
transformer ainsi l'intimité en intimité collective ?
[Note : il s'agit certainement de la problématique de toute la thèse, dans cette
partie on peut se focaliser uniquement sur l'apport de la machine dans cette
intimité (et les autres parties sur peer review entre autre et les mémoires)]
Parmi toutes les fonctions éditoriales que l'on pourrait énumérer, nous allons
nous concentrer sur la fonction écriture dans et de l'environnement de saisi du
texte.
Cet environnement peut être découpé en deux parties : les logiciels et les
matériels.
En fonction de la configuration choisie pour écrire, un auteur peut écrire d'une
certaine manière et pas d'une autre.
Pour montrer les particularités d'un environnement, une étude sur l'environnement
d'écriture avec l'éditeur de texte sémantique Stylo
## L'écriture numérique
### La controverse sur l'écriture
Définir l'écriture tient généralement de l'anthropologie ou des lettres, la
controverse à ce sujet est très large.
Christin en dresse la cartographie en distingant deux tendances principales :
l'écriture selon les traces ou selon les signes. Dans un cas comme dans l'autre,
ce qui défini finalement l'écriture est l'inscription dans la matière.
### Les particularités de l'écriture numérique
Crozat Bachimont Petit Bouchardon Kembellec Merzeau Vitali-Rosati Kittler
- calculabilité
- la frappe sur le clavier est désacouplée de l'acte d'inscrire (si l'acte
d'inscrire défini l'écriture, c'est la machine qui écrit et pas l'auteur, mais
qu'écrit-elle ?)
### Détail du processus d'écriture
#### Fonctionnement du hardware
De la machine en local (clavier, souris, écran, carte mère, RAM, alimentation,
microprocesseur, etc.)
Aux machines distantes (Serveurs, fibre optique, ADSL ... Histoire de l'Internet
physique)
#### Fonctionnement du software (les différentes piles)
Bios, OS, Logiciels, réseaux (protocoles HTTP, TCP/IP, IMAP, POP, REST,
GrapHQL), communication entre les différentes couches et fonctionnement de
l'inscription dans le disque dur (HDD et SSD).
## L'architexte écrit dans le texte
### Définir l'architexte
Sans l'intervention du logiciel comme médiateur entre l'être humain et le
support d'inscription de l'écriture numérique il ne serait pas possible pour
l'auteur d'écrire dans cet environnement.
Si l'on considère l'écriture comme le geste d'inscrire une trace ou un signe
dans un support, alors l'écriture numérique n'est plus un fait humain mais un
acte réalisé par l'ordinateur lui-même.
L'interaction entre un humain et une machine consiste en une série
d'instructions que donne l'utilisateur à la machine qui, ensuite, les
exécute.
Le mécanisme sous-jacent à ce que l'on considère communément comme l'écriture
numérique (frapper une touche du clavier et voir la lettre s'afficher à l'écran)
s'avère plus complexe.
Le moment de la frappe n'est plus le moment où le symbole est inscrit dans le
disque dur, mais est le moment où une instruction est donnée à l'ordinateur qui
ensuite se charge d'inscrire la lettre correspondante sur le disque dur (sous
forme binaire).
Si l'on se trouve dans le cas de figure de la saisie d'un texte dans un éditeur
de texte, l'instruction suivante, selon les logiciels et les actions souhaitées,
consiste à afficher la lettre qui a été encodée à l'écran.
Pour réaliser ces actions, Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier partent de ce
constat qu'il n'est pas possible d'écrire un texte sans qu'un autre texte soit
déjà présent pour réaliser cette action.
Ce texte particulier qui pré-existe toute activité numérique est nommé
_architexte_ (refs x, x, 2019).
L'architexte a d'abord été employé en littératures par Gérard Genette (ref) et
désigne ...XXX.
En 2019, dans l'ouvrage intitulé _Le numérique comme écriture_, Gustavo
Gomez-Mejia, Étienne Candel et Emmanuël Souchier résument la notion d'architexte
comme :
> Initialement défini comme une « écriture d’écriture » puis comme un
« dispositif d’écriture écrit », l’architexte s’avère être un point de passage
obligé pour toute activité numérique. Il n’y a effectivement pas d’écriture à
l’écran sans un architexte qui la rend possible, l’accompagne et la formate.
Pour la première fois de son histoire, l’homme a donc recours à des
« dispositifs d’écriture écrits » spécifiques pour pouvoir pratiquer une
activité d’écriture (E. Souchier, 1998, 2013). Or, précisément en ce qu’ils sont
« eux-mêmes écrits », les architextes « sont des textes lisibles et
interprétables. Porteurs et prescripteurs d’une écriture à venir, ils anticipent
de ce fait une figure de l’auteur » (É. Candel, G. Gomez Mejia, 2013) et
relèvent donc de « l’énonciation éditoriale » (E. Souchier, 1998).
Globalement, l'architexte incarne le cadre dans lequel les agents peuvent
écrire.
Ce cadre est régit par des règles qui définissent comment l'on peut écrire mais
surtout comment les signes à inscrire doivent être formatés.
Une emphase en italique saisie dans le logiciel Microsoft Word ne sera pas
encodée de la même façon que dans le logiciel InDesign.
[ajouter les deux exemples d'encodage]
C'est en ce sens que l'architexte est le « porteur et [le] prescripteur d'une
écriture à venir » car il dépasse le statut d'interface neutre à l'écran et
devient l'agent qui balise, au sens littéral, le texte.
Néanmoins, cette définition de l'architexte le positionne comme un agent passif
qui ne dépasse pas le statut de cadre de l'écriture.
Or, n'est-ce pas l'architexte lui-même qui interprète l'instruction donnée et
l'applique, c'est-à-dire l'écrit, dans le texte ?
Si l'on reprend l'exemple précédent, lorsque l'on donne pour instruction
d'appliquer une emphase en italique à une chaîne de caractère, c'est bien
le logiciel (une des couches de l'architexte) qui inscrit l'emphase selon le
format qui lui est prédéfini.
Néanmoins, cette écriture réalisée par l'architexte n'est pas rendu visible à
l'écran.
L'affichage de l'écriture à l'écran respecte des conventions de lecture propres
à une culture, elles n'est que rarement affichée dans sa forme la plus verbeuse
(complète)
Dépassement de Goody
Assujetissement à l'architexte et aux formats
### Définir le format
Le terme format est avant tout un terme technique, il délimite les
caractéristiques d’un objet. Ces caractéristiques sont formulées par un certain
nombres de données, d’instructions, ou de règles. L’objectif est de disposer
d’un consensus pour dialoguer autour d’un objet ou de faire communiquer des
processus qui traîtent ou qui produisent des formats.
Le format est une contrainte technique dans des environnements qui peuvent être
très divers : formats d’objets physiques comme le papier, formats informatiques
que nous connaissons par l’extension des fichiers sur nos ordinateurs, ou
formats littéraires concernant l’agencement des mots et des phrases.
Nous nous concentrons ici sur les contraintes techniques et informatiques.
En fonction des nécessités d’un système d’exploitation, d’un programme
informatique ou d’une plateforme en ligne, il faudra utiliser tel ou tel format.
Un format qui n’est pas standard (ces caractéristiques doivent être décrites),
qui n’est pas ouvert (il est possible de comprendre comment le format
fonctionne) ou qui nécessite un environnement très spécifique pour être lu ou
transformé va générer beaucoup d’obstacles pour son utilisation.
La contrainte du format est liée à d’autres contraintes comme la compatibilité
(quel format peut être lu par quel programme ou logiciel ?), l’interopérabilité
(est-ce que le format peut être utilisé de la même façon quel que soit
l’environnement ?), la dépendance (de quoi un système a-t-il besoin pour traiter
le format) et au libre/open-source (est-ce que le format peut être lu, modifié,
partagé ?).
Si le but du format est de constituer une série d’informations compréhensibles,
utilisables et communicables, il reste une contrainte forte pour les chaînes de
publication. Que ce soit en tant que format d’entrée, format pivot ou format de
sortie, il déterminera le fonctionnement de la chaîne.
Enfin, le choix d’un format se fait en fonction de deux paramètres essentiels :
- le temps : est-ce que le format va devenir obsolète et ne sera plus reconnu
par le ou les programmes de la forge ?
- la communauté : y a-t-il d’autres personnes en mesure de comprendre le format
et d’apporter de l’aide (cas d’usage, solutions techniques, etc.) ?
### Ce que l'architexte inscrit dans le support
Selon les formats d'écriture, et lorsqu'on sort du paradigme WYSIWYG pour celui
du WYSIWYM, on s'émancipe de la surcouche graphique pour entrer directement dans
la couche de la structuration des contenus.
_What You See Is What You Get_, ou WYSIWYG, est l'acronyme généralement employé
pour désigner les outils qui adoptent une surcouche graphique pour mettre en
page le contenu directement, au risque de ne pas structurer de la façon
souhaitée.
Le paradigme opposé, _What You See Is What You Mean_,
Arrivé à ce niveau, l'agent humain ne dépend plus d'un logiciel particulier pour
saisir son texte mais peut faire le choix de l'environnement dans lequel il veut
travailler puisque le texte saisi l'est dans un format brut ce qui, a priori,
est réalisable dans tous les environnements de saisi.
Écrire en texte brut signifie également ouvrir les possibilités de structuration
du texte même : ce n'est plus Microsoft Word ou LibreOffice qui décident de
quelle manière sont structurées les informations mais le choix d'un format ou
d'une saveur particulière d'un format.
L'encodage d'un texte en XML illustre bien ce propos.
XML pour eXtensible Markup Language; est également un métalangage de balisage et
de modélisation du texte.
Plus souple que le HTML dont les balises sont figées, XML permet à chaque
utilisateur de créer son propre système hiérarchique arborescent par
l’élaboration de balises personnalisées.
Postérieur d’une décennie au HTML, la publication des recommandations de la
première version (1.0) du métalangage XML voit le jour en 1998.
La description rigoureuse permise grâce à cette technologie en fait un outil
utilisé à plusieurs fins notamment l’élaboration d’éditions critiques de
certains textes, qu’ils soient anciens ou nativement numériques ou encore la
description formelle de jeux de données (jusqu’à la création de bases de
données).
XML peut être associé à un autre langage, le XSL (eXtensible Stylesheet
Language), qui décrit comment doit être transformé le XML.
XML est un langage supporté par les navigateurs web et est facilement
transformable en HTML et compatible avec le CSS.
Que l'on soit sous système d'exploitation Linux, MacOS ou Windows, le XML peut
être saisi et lu dans tous les éditeurs de texte.
De plus, le XML a cette particularité de ne pas imposer de règles particulières
en dehors de la façon de structurer des informations avec des balises ouvrantes
et fermantes.
Chacun est en capacité de créer ses propres règles de structuration des contenus
en XML en créant un schéma (ensemble de régles qui déterminent les agencements
des différentes balises entre elles) qui correspond aux besoins de l'écriture.
Par exemple, lors de l'édition d'un article scientifique, comment pouvons-nous
définir un auteur ?
Si l'on écrit la chaîne de caractère "René Dupont" en bas du texte, nous
pouvons par convention de lecture deviner que "René" est le prénom de l'auteur
et "Dupont" son nom.
Or, pour l'ordinateur, cette chaîne de caractère n'est rien d'autre qu'une série
de caractères qui n'a aucune valeur sémantique.
Si l'on saisit cette même chaîne de caractères en XML, on peut commencer par y
ajouter une balise `René Dupont` pour signifier explicitement
qu'il s'agit de l'auteur du texte.
Toutefois, il est possible de préciser encore plus cette notion d'auteur, en y
ajoutant par exemple des balises `` et ``.
La description de ce qu'est un auteur, pour l'écriture de cet article, devient
formelle et explicite.
Cependant, pour l'écriture savante, est-ce qu'un auteur est seulement un nom et
un prénom ?
En fonction des contextes de publication, il est possible qu'un autre agent, la
revue, définisse également l'auteur avec d'autres informations telles que
l'affiliation académique, une adresse courriel et un identifiant unique comme
l'ORCID.
L'auteur René Dupont prendrait alors la forme suivante :
```XML
Dupont
René
rene.dupont@parisuniversite.fr
Université de Paris
XXXXXXX
```
Certains formats, comme nous venons de l'observer avec le XML, permettent de
choisir ce que l'architexte va écrire dans le texte.
## Cas d'étude : Stylo
### Qu'est-ce que Stylo ?
#### Grandes lignes sur Stylo
#### Stylo à la CRCEN et à Huma-Num
#### Les briques logicielles
### Les formats pivots de Stylo en détail
#### La sérialisation des métadonnées en YAML
#### L'écriture en Markdown
#### La saisie des références bibliographiques en BibTeX
### Ce que Stylo permet ou non de faire