Notes pour le billet :
potentiel titre de la these: le<em>
mal</em>
traitement du texte- du fait de l’importance accordée à l’objet public (publié), aka revue, livre, blog, etc., l’objectif de l’édition est de se concentrer sur un modèle éditorial (un modèle épistémologique) et de transformer un document X pour qu’il soit conforme à cette épistémologie.
- ce faisant, nous oublions ou laissons de côté le document source original et les conditions de son élaboration.
- peut-être utiliser Bergin et Kirshenbaum pour montrer que depuis l’arrivée de Microsoft, on a un seul modèle du numérique présent et qu’on ne le questionne plus ? trouver d’autres sources.
- un pan des études littéraires, la génétique du texte, se concentre sur cet aspect là, principalement dans le traitement de textes pré-numériques.
- Qu’en est-il lorsqu’il s’agit de textes contemporains créés nativement dans un espace numérique ?
- L’importance accordée à l’objet publié, héritée de l’imprimé, prime également pour les documents numériques…
- la chaîne éditoriale se concentre principalement sur le résultat à obtenir au détriment de documents intermédiaires nécessaires à l’acte de publication.
- d’ailleurs, le post-traitement de ces objets publiés ne s’intéresse pas non plus au modèle épistémologique qui le constitue (ex: fouille de texte)
- Pourtant, depuis l’Antiquité et la période hellenistique, le rapport des savants à l’écriture et à leurs textes … (Hadot)
- Fait également hérité durant l’époque des Lumières puis des premières revues …. (raconter l’histoire de chacun) jusqu’au numérique
- Cette perspective sur le document comme élément au coeur du processus d’écriture (et donc du sens qui en émerge) nous mène vers la théorie des médias …
- Nécessité de définir le document
- Revue de littérature sur la théorie des médias en partant de McLuhan
- Proposer un cadre posthumain pour justifier la valeur accordée au document (si souvent oublié de nos recherches).
Introduction
Le texte et les théories qui s’y rapportent fondent leur épistémologie autour du signe (barthes?). Lorsqu’il s’agit d’étudier un texte, que l’on vienne de la sémiologie, de la philologie ou de la génétique des textes, ce sont les unités sémiotiques, les mots et autres agencements de signes qui constituent l’objet étudié. Cependant, cette perspective ne permet pas de rendre compte de ce que pourrait être une épistémologie du document, celui-ci étant pour l’instant défini dans son appareil le plus simple par l’équation (Pédauque, 2003, 2006):
Document = Support + Inscription
Les conditions de rédaction d’un texte sur une stèle, un post-it, une ardoise, du papier ou de la silice ne sera pas composé dans Les conditions de l’établissement d’un document durant l’Antiquité ne sont pas comparables aux conditions que l’on connait au 21e siècle avec le numérique. En ce sens
Un document … puis un document numérique (zacklad?)…
Afin de pouvoir
L’importance du document dans les pratiques d’écriture
À l’instar de Barthes pour qui la centralité du signe dans le texte remonte à l’époque des stoïciens, nous proposons d’introduire le lien entre pratique d’écriture et érudition à partir des travaux de Pierre Hadot sur la philosophie antique.
Dans son ouvrage Exercices spirituels et philosophie antique, P. Hadot décrit ce qu’était la philosophie antique durant l’apogée de la civilisation grecque que l’on peut situer à partir de la période des présocratiques (environ 700 av. JC) jusqu’à la fin de la période hellénistique (31 av. JC.). Durant cette période, la philosophie n’était pas seulement un exercice de pensée pour répondre aux questions sur l’existence de l’être et son rapport au monde, mais était un mode de vie qui se pratiquait au quotidien. Elle était pratiquée par celles et ceux qui aimait et désirait la Sagesse. L’objectif n’était pas d’atteindre cette sagesse, car elle est l’apanage des dieux, mais d’en frayer la voie pour s’en rapprocher. Les philosophes de l’antiquité, à la différence de leurs contemporains spécialistes du savoir, les sophistes, modifiaient ainsi leur façon de vivre et l’accordaient à un système de valeurs vertueuses aligné sur les préceptes de l’école ou du courant philosophique auquel ils étaient rattachés. La philosophie pratiquée par les anciens était plus qu’un mode de pensée, elle était une « manière d’être » (Hadot, 2002, p. 77). Afin de parcourir ce chemin vertueux, les différentes écoles et courants ont mis au point des séries d’exercices spirituels que le philosophe pratiquait au quotidien.
L’étymologie de ces exercices est strictement identique à celle de l’ascèse chrétienne : askesis. Les deux termes ont une origine commune mais une signification bien différente. À ce propos, P. Hadot nous met en garde quant à la confusion possible entre ces deux askesis. L’askesis chrétienne se rapproche de la définition contemporaine du terme, c’est-à-dire de l’abstinence ou de la restriction de nourriture, de boisson, de relation sexuelle, etc. ; alors que l’askesis grecque ne renvoie qu’aux exercices spirituels que nous avons mentionnés, qualifiés comme étant « une activité intérieure de la pensée et de la volonté » (Hadot, 2002, p. 78). La philosophie antique, à travers l’askesis, agit comme une « thérapeutique des passions » (Hadot, 2002, p. 22). Une pratique assidue permet de se dépouiller de ces dernières et d’opérer une objectivation du monde débarassée des perceptions subjectives et des affects. « L’intériorisation [réalisée à travers cette vie ascétique] est dépassement de soi et universalisation » (Hadot, 2002, p. 330), notamment chez les épicuriens et les stoïciens. En somme, lorsque le philosophe entreprend son parcours, il en vient à se détacher de sa condition humaine et, par un mouvement d’extériorisation, développe une « nouvelle manière d’être-au-monde […] qui consiste a prendre conscience de soi comme partie de la Nature » (Hadot, 2002, p. 330).
P. Hadot propose également une liste de ces exercices parmi lesquels on y trouve : la recherche (zetesis), l’examen approfondi (skepsis), la lecture, l’audition (akroasis), l’attention (prosochè), la maîtrise de soi (enkrateia), l’indifférence aux choses indifférentes, les méditations (meletai), les thérapies des passions, le souvenir de ce qui est bien, l’accomplissement des devoirs (Hadot, 2002, p. 26). L’auteur accorde une valeur particulière à l’examen de conscience que suppose l’attention à soi (prosochè). Il s’agit d’un exercice à réaliser quotidiennement, voire même plusieurs fois par journée. Le philosophe prend du recul sur ses actes passés, soit une distance critique vis-à-vis de sa manière d’être qu’il confronte au système de valeurs auquel il prétend appartenir. Une des méthodes pour réaliser cet exercice est l’écriture de soi. Le philosophe couche par écrit les actions effectuées durant une période précise, il s’y raconte. C’est ce que fait Marc-Aurèle dans les Pensées pour moi-même (Hadot, 2002, p. 149).
[ajouter quelques lignes sur Marc-Aurèle]
En faisant un anachronisme, cette pratique de l’écriture de soi pourrait aisément être confondue avec une écriture diaristique ou se rapprocher du récit autobiographique. Ce qui est également le cas avec Les Confessions de Rousseau ou les Méditations de Descartes. Elles peuvent effectivement être lues comme un récit autobiographique ou alors comme la réalisation d’une askesis où l’auteur utilise l’écriture pour exercer une tension entre un récit de lui-même et des réflexions philosophiques. Le succès de cette méthode qu’est l’écriture perdure pendant plusieurs siècles comme en témoigne les écrits d’Athanase d’Alexandrie dans la Vie d’Antoine vers l’an 360 (soit environ 40 ans avant les Confessions d’Augustin). P. Hadot en cite le passage suivant (Hadot, 2002, p. 90) :
Que chacun note par écrit, conseille Antoine, les actions et les mouvements de son âme, comme s’il devait les faire connaître aux autres. En effet, poursuit-il, nous n’oserions certainement pas commettre des fautes en public, devant les autres. Que l’écriture tienne donc la place de l’oeil d’autrui.
Ainsi, l’examen de conscience, dont la finalité est la maîtrise de soi, peut être réalisé par une série d’étapes dont la première est l’introspection qui est accomplie grâce à une mise en récit de soi via un medium, l’écriture, et génère alors une deuxième étape, celle de l’extériorisation de soi. L’écriture dépasse la simple condition de support / outils grâce auquel une information peut être transmise et devient la condition sine qua non de l’accès à l’autre.
À titre d’exemple, un passage de la lettre [nombre] de Sénèque à Lucilius contient ceci : « Sans doute l’homme devrait toujours se conduire comme s’il avait des témoins, toujours penser comme si quelqu’un pouvait lire au fond de son coeur ». Exception faite pour l’écriture, la méthode que propose Sénèque est très similaire à celle de Saint-Antoine, et s’incarne à travers la lettre qu’il envoie à Lucilius en tant que medium.
Sénèque nous indique dès le début de la lettre qu’il s’agit de l’exercice de l’examen de soi : « Je vais donc me mettre à m’observer, et, pour plus de sûreté, je ferai le soir la revue de ma journée. » Si nous considérons qu’il s’agit bien là de la réalisation d’un exercice spirituel, et en sachant que Sénèque est un philosophe de l’école stoïcienne, nous pouvons en déduire que cette lettre comporte finalement un double enjeu. Le premier est explicite : Sénèque fait une démonstration à Lucilius comme un maître peut le faire avec son élève. Le second est la réalisation de l’exercice pour Sénèque lui-même. En réalisant cet exercice dans le cadre d’une leçon qu’il dispense, Sénèque en profite pour appliquer cette méthode et écrire son examen de conscience qu’il va pouvoir livrer à Lucilius qui, en l’occurrence, incarne l’autre. La conjugaison au futur employée dans la lettre donne à penser que Sénèque prémédite les actions et mouvements qu’il va réaliser dans la journée. Il fait en sorte que ses actions soient vertueuses pour qu’il n’y ait rien dont il puisse avoir honte car il sait que Lucilius sera témoin de son récit.
L’exemple de la lettre de Sénèque à Lucilius permet de faire émerger la dimension sociale du document, en tant que dépassement de ce que J-M. Salaün caractérise par les aspects intime et éphémère que peut revêtir l’écriture dans son environnement documentaire (inscription + support) (2004).
L’exercice philosophique nécessite en ce sens un medium, dans ce cas-ci l’écriture d’un document, pour ajouter un mouvement d’extériorisation à une première dynamique introspective. Le philosophe créé un document contenant un récit de lui-même afin de mobiliser l’autre et se donner à voir, pour mettre en évidence ce qui lui est intérieur.
Néanmoins, il ne s’agit pas uniquement de se livrer à autrui, d’ailleurs ce n’est pas le regard que l’autre peut porter sur soi qui importe. Qu’il s’agisse de Sénèque ou d’Antoine, leur méthode convoque un autre qui est soit « public », soit « témoin ». L’autre ainsi convoqué dans ce mouvement d’extériorisation est avant tout un autre social et politique. Finalement, le philosophe se doit d’être irréprochable, sa conduite doit correspondre à l’image attendu d’un philosophe dans l’école mais aussi et surtout dans la cité (grecque). Il ne dépend pas du regard que peuvent porter les citoyens sur lui, mais plutôt d’un système de valeurs qui le détermine en tant que philosophe. La question de la maîtrise de soi et de l’examen de conscience est donc fondamentalement éthique et sociale. Ainsi, le philosophe se réalise entre autre au travers d’un espace, le document, dont la fonction principale est de reccueillir et de matérialiser les médiations permettant l’émergence du philosophe. En ce sens, le philosophe ne pré-existe pas le document mais en devient le produit.
P. Hadot nous signale également que cette tradition de l’exercice philosophique a perduré sous d’autres formes jusqu’à nos jours, d’abord reprise par les chrétiens comme en témoigne les écrits de Saint-Antoine, Saint-Augustin ou encore Thomas d’Aquin puis reprise par des philosophes tels que Descartes et Rousseau que nous avons nommé précédemment et enfin certains philosophes contemporains à l’image de Foucault (hadot__?).
Au-delà du lien émis entre les philosophes de chaque époque, P. Hadot met en évidence l’apport épistémologique de l’héritage grec dans notre acception contemporaine des sciences humaines (hadot__?, p.). Cet héritage se traduit en partie par la présence de documents circulant entre les pairs de cette sphère savante mais aussi dans l’espace public. Ces documents peuvent être englobés sous le terme de publication scientifique.
Historiquement …
Le document numérique au prisme de la théorie des médias
- Définir le document (faire un bref point de présentation de Pédauque)
Le document peut-être appréhendé sous différents prismes, Pédauque (2006) nous en offre trois :
- Définir le document numérique (pour Pedauque, = donnees + structure avec un devenir du type document XML = donnees structurees + mise en forme (= dissociation mise en page de la structure qui elle est réalisée par du XSL et pas XML (Pedauque + Le Crosnier + infocom)
- Histoire des langages de balisages (depuis SGML) et usage dans les chaînes éditoriales scientifiques (avec en fin l’exemple du schema XML-TEI COMMONS + Sens public en Markdown + ekdosis (attention LaTeX est à la fois un système de balisage et un système de commandes)
- Considérer ce document comme une medium
- Rappel McLuhan sur le fait que le medium = le message : il n’y a pas de medium mais que des médiations
- C’est également la proposition de Kittler, à développer
- Repris par l’éditorialisation (Merzeau + Vitali-Rosati). Faire un point sur editorialisation dans les courants francophones depuis Pédauque.
- ajouter dans cette partie (après rappel theorie des medias) que document numerique = donnees + structures + support (là où le support disparait chez Pedauque, la theorie des medias nous permet de penser le support du numérique comme composante du document numérique : hardware + software. Exemple de document qui ne sont plus lisibles du fait de la non retrocompatibilité ou des licences propriétaires. Autre exemple très important, le support détermine ce que l’on peut faire ou non dans un document, ce qui change drastiquement la façon dont le document sera composé.)
- désaccord avec Pédauque (sujet qui faisait deja discorde entre les chercheurs participant à Pédauque) sur le fait que la dimension publique est une composante fondamentale d’un document, sans elle il ne s’agit pas d’un document (ça c’est la vision de document = medium = social). Or il s’agit plutot de signifier que sans médiation il ne s’agit pas d’un document. A quoi limite-t-on les médiations ? Si c’est aux acteurs uniquement humains et en capacité de lire/écrire alors le document est circonscrit à un cercle très privé d’individus. En se positionnant du côté du nouveau matérialisme …
- on peut ajouter un exemple sur la durée de vie très courte de certains documents qui deviennent inaccessibles si non maintenus comme c’est le cas de la bibliographie de Pedauque qui n’est plus accessible, même sur internet archive
Conclusion
Pour définir le document comme pièce centrale de la publication scientfique, nous nous sommes appuyés sur la théorie des médias et plus particulièrement sur le courant matérialiste fondé par l’école de Toronto depuis McLuhan, puis repris par Kittler dans les années 1970 en Allemagne, puis par la médiologie en France et notamment par Louise Merzeau. Chez L. Merzeau, nous retrouvons également une affiliation avec la pensée kittlérienne, principalement dans son approche [déterministe/essentialiste]… sur lesquelles reposent ses recherches.
Ajouter un mot sur la limite de ce que cette pensée fait au document…
Pour dépasser cette position, L. Merzeau s’est tournée vers les sciences de l’information et de la communication (SIC) et a développé ses recherches autour de la notion d’éditorialisation, à la fois depuis le courant francophone provenant des SIC depuis Bachimont (Bachimont, Broudoux) + redocumentarisation (Zacklad) et à la fois depuis le courant qui se développait au Québec par M. Vitali-Rosati, plus proche des sciences humaines et de l’intermédialité montréalaise, un autre courant historique de la théorie des médias où s’y est développé depuis les lettres et les arts une approche de la relation entre les médias (Tadier, Méchoulan).
Malgré le fait que L. Merzeau n’ait pas pu achever ses travaux, elle abouti à une théorie du commun dans lequel le document pourrait ….
D’autres travaux plus récents sur l’éditorialisation (Vitali-Rosati), propose également une autre forme de dépassement de cette posture essentialiste par la mobilisation de théories provenant du courant posthumaniste (Hayles, Barad) …
En revenant à la dimension sociale que Pédauque attache au document en tant que medium, et aux conditions de lecture / écriture de ces documents, il est nécessaire d’ajouter à cette définition la prise en compte de l’environnement numérique pour qu’une communauté puisse accéder à ce document. Cet environnement ne doit pas être réduit à une simple couche logicielle permettant d’accéder au document, mais doit prendre en considération la totalité des protocoles, des formats, des règles et normes qui déterminent les possibilités d’établissement d’un document.
Toutefois, cette proposition pourrait rencontrer une limite selon la taille de la sphère sociale concernée par un document, car elle sous-entendrait une préconisation pour un environnement numérique et unique identique pour toutes les personnes concernées. Au contraire, le modèle de représentation numérique défendue dans cette thèse, à l’instar de la thèse de l’ouvrage L’Éloge du bug (vitali-rosati_eloge_2024?) doit être pluriel.