From 67a0cc3c8ca8d8f093ec37ff926f2a45db5e04da Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: RochDLY Date: Sat, 25 May 2024 17:12:58 +0200 Subject: corrections dans le billet sur la saisie du texte MIME-Version: 1.0 Content-Type: text/plain; charset=UTF-8 Content-Transfer-Encoding: 8bit ajouts mineurs dans la seconde partie, il reste une réécriture de la ccl et une relecture totale --- ...06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html | 18 +++++++++--------- 1 file changed, 9 insertions(+), 9 deletions(-) (limited to 'docs/posts/2024-05-06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html') diff --git a/docs/posts/2024-05-06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html b/docs/posts/2024-05-06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html index 058d925..c02d15b 100644 --- a/docs/posts/2024-05-06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html +++ b/docs/posts/2024-05-06-la-saisie-du-texte-dans-un-nouveau-document.html @@ -180,10 +180,9 @@ Du fait de mon implication dans Stylo, le regard que je porte sur ce terrain n

Chaque environnement d’écriture incarne un modèle et une vision du traitement de l’information, que l’on peut englober sous le nom de cet environnement. Lors de l’interaction entre un usager et une machine, par le biais de cet environnement, les médiations à l’oeuvre sont des représentations de ce modèle dont les traces présentes dans les documents sont les indices.

En prenant le cas de Stylo, nous pouvons détailler ce que désigne cette appellation en fouillant l’architecture logicielle, puisque le code est en libre accès, afin de cibler les traces de cette relation entre l’auteur et son environnement.

Tout d’abord, Stylo représente un espace sur le Web dans lequel nous pouvons écrire en suivant la syntaxe de trois formats de texte brut, le Markdown, le YAML et le BibTeX. Le Web fonctionne différemment d’un environnement local sur son ordinateur personnel.

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Alain Mille en dresse l’histoire depuis les débuts d’Internet dans les années 1960 (2014) à partir du réseau filaire ARPAnet développé par le département de la défense américaine. Seulement, comme le souligne A. Mille, il manque une brique pour naisse l’Internet : un protocole de transfert des documents. Le premier protocole a vu le jour en 196914 et a fait l’objet de la première RFC15 (Request for comments) avant de trouver une forme plus aboutie dans le protocole TCP en 1974 et permet avec sa distribution sous forme de paquets la naissance d’Internet. Ce n’est qu’en 1990, au CERN ((Organisation européenne pour la recherche nucléaire)), que Tim Berners-Lee participe à la conception du Web – et du World Wide Web – pour pallier le problème d’échanges de documents numériques rencontré dans cette institution grâce au développement du langage de balisage HTML. Le Web vient donc répondre à un besoin, celui de la compatibilité des informations et de leur interoperabilité dans une structure. En créant un environnement spécifique composés de normes de structuration des informations interprétable par un logiciel – le navigateur, le Web devient agnostique et ne dépend plus de la même couche d’abstraction logicielle qu’un environnement local. L’ordinateur devient un terminal, un client à partir duquel on peut se connecter au réseau et accéder aux informations qui y circulent.

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Sur le Web, les données sont généralement séparées de l’espace d’affichage et sont stockées sur un serveur, dans une base de données. Il y aurait donc au moins deux modules différents, la partie client – ce qui est affiché dans le navigateur – et la partie serveur, soit la base de données.

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[Faire une petite transition]

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Dans notre cas, nous allons scinder l’ architecture logicielle de Stylo en trois parties.

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Alain Mille en dresse l’histoire depuis les débuts d’Internet dans les années 1960 (2014) à partir du réseau filaire ARPAnet développé par le département de la défense américaine. Seulement, comme le souligne A. Mille, il manque une brique pour que naisse l’Internet : un protocole de transfert des documents. Le premier protocole a vu le jour en 196914 et a fait l’objet de la première RFC15 (Request for comments) avant de trouver une forme plus aboutie dans le protocole TCP en 1974 – décrit par Vincent Cerf et Bob Kahn – et permet avec sa distribution sous forme de paquets la naissance d’Internet. Ce n’est qu’en 1990, au CERN ((Organisation européenne pour la recherche nucléaire)), que Tim Berners-Lee participe à la conception du Web – et du World Wide Web – pour pallier le problème d’échanges de documents numériques rencontré dans cette institution grâce au développement du langage de balisage HTML. Le Web vient donc répondre à un besoin, celui de la compatibilité des informations et de leur interoperabilité dans une structure. En créant un environnement spécifique composés de normes de structuration des informations interprétable par un logiciel, le navigateur, le Web devient agnostique et ne dépend plus de la même couche d’abstraction logicielle qu’un environnement local. L’ordinateur devient un terminal, un client à partir duquel on peut se connecter au réseau et accéder aux informations qui y circulent.

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C’est ainsi que sur le Web, le stockage des données est généralement séparé de l’espace d’affichage et sont stockées dans une base de données sur un serveur. Il y aurait donc au moins deux modules différents, la partie client – ce qui est affiché dans le navigateur – et la partie serveur où sont les organisées les informations.

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Nous retrouvons ce fonctionnement dans Stylo avec la partie serveur et la partie client auxquelles vient s’ajouter un troisième bloc pour exporter les données afin de les sortir de cet environnement client - serveur. L’architecture logicielle de Stylo peut donc être scindée en trois parties.

Les différents modules de Stylo @@ -318,18 +317,19 @@ Du fait de mon implication dans Stylo, le regard que je porte sur ce terrain n

Enfin, le dernier format pivot utilisé dans Stylo, le BibTeX, est utilisé pour structurer les références bibliographiques. BiBTeX est un format standard permettant de décrire des listes de références bibliographiques inventé par Oren Patashnik en 1985 pour l’écosystème LaTeX. Au-delà de LaTeX, c’est un format largement utilisé par les gestionnaire de références bibliographiques comme Zotero41 ou eBib42.

Le choix d’intégrer BibTeX à Stylo provient de la possibilité d’utiliser l’API de Zotero dans l’éditeur de Stylo pour récupérer les informations des références bibliographiques. Ce fonctionnement entre Zotero et Stylo permet aux utilisateurs de ne passer que rarement par la forme brute du BibTeX, puis il permet de décentraliser la gestion et le nettoyage des informations de chaque références dans Zotero et limite les phases de nettoyage des informations à ce seul espace. Stylo est plutôt prévu pour récupérer des listes de références bibliographiques et procurer des fonctionnalités pour les intégrer dans un texte. L’utilisation du format BibTeX permet d’automatiser la saisie et la transformation des références bibliographiques selon les styles requis pour un document. Pourtant, ce choix pourrait être tout à fait discutable du fait des limites de Zotero et de BibTeX. Lors de la création d’un nouvel objet dans Zotero, le premier élément à saisir est le type d’objet à référencer. Le nombre de types est limité à 17. Cela couvre une bonne partie des besoins académiques mais pas les exceptions qui vont toutes rentrer dans le dernier type @misc pour « tout autre type de document ». Il en va de même pour les informations rattachées à chaque type de données43 : selon les disciplines ou pour certains documents très particuliers, les champs de Zotero peuvent être trop restrictifs alors qu’il serait nécessaire de pouvoir saisir de nouvelles entrées pour enrichir les données bibliographiques tout en préservant leur structuration. Actuellement, la seule possibilité serait d’utiliser le champ Extra pour ajouter une information supplémentaire sous la forme de chaîne de caractères sans avoir de structure explicite.

D’autres problèmes peuvent surgir entre la représentation d’une référence bibliographique dans Zotero et dans Stylo/Pandoc. Lors de l’édition d’articles en anglais et en français, nous nous sommes aperçus d’une différence de comportement importante entre ce que prévoit le format BibTeX, son interprétation dans Zotero et celle que l’on en fait dans Stylo.. Avec BibTeX il existe plusieurs paramètres de langues : langid et language. langid permet initialement d’identifier la langue à appliquer à l’entrée (comme traitement) et language sert à déclarer la langue employée dans le document. Stylo et Pandoc prennent les deux paramètres en charge, alors que dans Zotero il n’est possible de renseigner que language et pas langid, language combinant les deux objets. En récupérant les références bibliographiques depuis Zotero, Stylo récupère seulement le paramètre language puisque le paramètre langid n’existe pas dans Zotero. Lors du traitement des informations avec Pandoc, il n’est pas possible de déclarer le traitement à appliquer à la référence bibliographique. Par défaut, Stylo va appliquer la langue du contenu du texte dans Stylo à toutes les références bibliographiques. Dans un texte comme celui-ci, le paramètre par défaut est réglé sur le français. Les références en anglais seront alors transformées selon les règles orthotypographiques françaises et pas selon les normes anglaises. Pour une structure éditoriale telle qu’une revue, ce paramètre n’est pas opérationnel. De ceci découle une discussion entre les membres de l’équipe de développement de Stylo44 sur la conduite à tenir pour informer les usagers de ce problème et trouver une solution pour le contourner. À ce jour, nous avons décidé de renseigner le problème dans la documentation de Stylo45 pour avertir les utilisateurs. Une modification du format ou du fonctionnement du gestionnaire de références bibliographiques serait beaucoup trop lourde en termes d’effets de bord dans Stylo, c’est pour cela qu’à ce stade nous en sommes restés à cette solution.

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Le choix des formats dans lesquels les utilisateurs peuvent saisir leurs textes et leurs données n’est pas anodin. Qu’il soit ancien, récent, verbeux ou léger, permissif ou rigide, le format d’écriture conditionne ce que l’on a le droit d’écrire ou non. En ce sens la décision de ce qui peut être saisi est déjà prise avant qu’un texte soit frappé sur le clavier. Par exemple, dans Stylo, le Markdown ne permet pas à un philologue de saisir explicitement un appareil critique. C’est une syntaxe qui n’existe pas alors que c’est le cas pour d’autre environnements comme LaTeX et le paquet ekdosis développé et maintenu par Robert Alessi. Dans ce cas-ci, puisque l’appareil critique n’existe pas en Markdown, il ne peut pas exister dans Stylo sauf si l’utilisateur fait abstraction du format et qu’il change de paradigme pour celui de la page et de la représentation graphique. En faisant cela, l’utilisateur fait également abstraction de la machine et de ce qu’elle peut interpréter du contenu puis écrire dans le texte. Lorsque nous sommes dans un environnement mis à disposition comme Stylo, le risque est que celui-ci ne soit pas complètement adapté à des besoins ou à une intention. Il risque d’y avoir une friction entre les formats imposés par l’environnement et les besoins en écriture.

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Étant strictement définis par des règles, les formats dépassent une simple manière de saisir une données. À travers ces formats et les modes de lectures que l’on peut y adosser, les informations saisies se voient dotées de comportements et peuvent modifier l’interprétation que l’on peut en faire, comme nous l’avons vu avec le YAML.
+Le choix des formats dans lesquels les utilisateurs peuvent saisir leurs textes et leurs données n’est pas anodin. Qu’il soit ancien, récent, verbeux ou léger, permissif ou rigide, le format d’écriture conditionne ce que l’on a le droit d’écrire ou non. En ce sens la décision de ce qui peut être saisi est déjà prise avant qu’un texte soit frappé sur le clavier. Par exemple, dans Stylo, le Markdown ne permet pas à un philologue de saisir explicitement un appareil critique. C’est une syntaxe qui n’existe pas alors que c’est le cas pour d’autre environnements comme LaTeX et le paquet ekdosis développé et maintenu par Robert Alessi. Dans ce cas-ci, puisque l’appareil critique n’existe pas en Markdown, il ne peut pas exister dans Stylo sauf si l’utilisateur fait abstraction du format et qu’il change de paradigme pour celui de la page et de la représentation graphique. En faisant cela, l’utilisateur fait également abstraction de la machine et de ce qu’elle peut interpréter du contenu puis écrire dans le texte. Lorsque nous sommes dans un environnement mis à disposition comme Stylo, le risque est que celui-ci ne soit pas complètement adapté à des besoins ou à une intention. Il risque d’y avoir une friction entre les formats imposés par l’environnement et les besoins en écriture.

Co-écriture entre les agents

En régissant les procédés de saisi du textes, un rapport de force semble s’instaurer entre les instances éditrices des architextes (que ce soit des collectifs, des institutions ou des entreprises) et les usagers. Dans le cas d’un logiciel de traitement de texte lorsque, par exemple, Microsoft propose une modification de la police utilisée par défaut dans une version actualisée du logiciel MSWord, Microsoft change également les manières d’écrire de tous les individus à travers le monde qui utilisent ce logiciel (et qui ont installé la mise à jour).

Si l’on s’arrête à la vision superficielle du texte, comme le propose J. Goody avec la raison graphique (Goody, 1979), on ne voit que les modifications d’affichage des éléments graphiques mais nous oublions ceux qui sont invisibles et cachés derrière la page.

Certes, les interfaces d’écriture sont présentés sous la forme de gabarits que l’on doit remplir, comme on peut le faire avec des logiciels de création de diapositives dont chacune est découpée en sections contenant tour à tour des images, des titres ou du texte. Dans cet exemple-ci nous avons affaire à une construction visuelle du document : un emplacement pour le titre de la diapositive, un autre pour le texte, un autre pour une image ou pour un graphique, etc. À ce sujet, E. Tufte (2003) a publié un article sur l’utilisation du logiciel PowerPoint et démontre à travers plusieurs cas d’étude les effets du logiciel sur la forme des présentations et des informations qu’elles contiennent. La thèse qu’il y défend est que ce logiciel, en 2003, « […] perturbe, domine et banalise systématiquement le contenu. » 46 notamment parce qu’il « facilite activement la réalisation de présentation légère »47. À travers son analyse des usages de PowerPoint, E. Tufte nous montre qu’il ne s’agit pas d’un manque de fonctionnalité pour enrichir des supports de présentation, que l’auteur qualifie de pauvres, mais que le logiciel lui-même induit ce type de présentation avec des templates préfabriqués, des réalisations de graphiques automatisées ou d’autres fonctionnalités similaires qui appauvrissent les présentations parce que leur fonctionnement est calqué sur un modèle de présentation marketing qui n’est pas adapté aux sciences. Il ne s’agit plus seulement de remplir des gabarits préfabriqués mais également de penser les formes que peuvent prendre l’information, ce que Tufte nomme « The Cognitive Style of PowerPoint », qui n’est pas sans rappeler la raison computationnelle de Bruno Bachimont (2000).

En changeant de paradigme, de la raison graphique pour celui de la raison computationnelle, l’assujetissement à ces architextes dépasse cette surcouche graphique et concerne également toutes les sous-couches (in)visibles de structuration textuelle du texte, mais aussi tout le processus d’inscription du document dans la mémoire, ainsi que les protocoles et méthodes qui permettent d’accéder à ces données. Comme nous l’avons vu précédemment, ce n’est pas l’image du texte affichée à l’écran qui est sauvegardée mais bien une suite de caractères binaires dont l’écriture intermédiaire est une suite de symboles, de chiffres et de lettres.

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Pourtant, on constate un paradoxe entre le nom d’un logiciel comme Pages, un traitement de texte disponible sous MacOS convoquant la métaphore de la page comme imaginaire en y enfermant les utilisateurs, et le rôle de guide qu’il doit remplir dans le traitement des informations. Dans ce cas-ci, le nom du logiciel ne réfère ni à son fonctionnement ni à son utilité. Alors que dans les années 1980, lors de la génèse des traitements de texte, les lettres WP signifiaient WordPerfect48, et que la plupart des autres concurrents employaient également le mot word dans le nom de leur logiciel, car c’est bien le mot et son traitement informatique qui était au centre des développements, la démarche d’Apple en 2005 nous montre un changement de perspective : on passe du mot à la page. L’attention est porté à un autre endroit, sur une page que génère Pages et qui n’existe pas dans d’autres environnements. Depuis vingt ans que cet outil est nativement disponible sur les ordinateurs de chez Apple, la compatibilité avec d’autres formats et/ou logiciels à fortement augmentée, en témoigne les arguments de communication mis en avant sur la page web du logiciel49 mais compatible ne veut pas dire identique. En plus de n’être accessible que sous MacOS, cette page ne l’est également que sous Pages : cette formulation courante laisse entendre que l’utilisateur devient alors sujet de son environnement d’écriture, nous dit F. Kittler (2015).

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Pourtant, on constate un paradoxe entre le nom d’un logiciel comme Pages, un traitement de texte disponible sous MacOS convoquant la métaphore de la page comme imaginaire en y enfermant les utilisateurs, et le rôle de guide qu’il doit remplir dans le traitement des informations. Dans ce cas-ci, le nom du logiciel ne réfère ni à son fonctionnement ni à son utilité. Alors que dans les années 1980, lors de la génèse des traitements de texte, les lettres WP signifiaient WordPerfect48, et que la plupart des autres concurrents employaient également le mot word dans le nom de leur logiciel, car c’est bien le mot et son traitement informatique qui était au centre des développements, la démarche d’Apple en 2005 nous montre un changement de perspective : on passe du mot à la page. L’attention est porté à un autre endroit, sur une page que génère Pages et qui n’existe pas dans d’autres environnements. La page créée dans cet espace n’est pas reproductible ailleurs même si le document qui en résulte est ouvert, à un autre moment, par le biais d’un autre logiciel. La page de Pages devient un espace délimité qui n’existe sous cette forme qu’à cet endroit. Depuis vingt ans que cet outil est nativement disponible sur les ordinateurs de chez Apple, la compatibilité avec d’autres formats et/ou logiciels à fortement augmentée, en témoigne les arguments de communication mis en avant sur la page web du logiciel49 mais compatible ne veut pas dire identique. En plus de n’être accessible que sous MacOS, cette page ne l’est également que sous Pages : cette formulation courante laisse entendre que l’utilisateur devient alors sujet de son environnement d’écriture, nous dit F. Kittler (2015).

Cette position kittlerienne, que l’on peut qualifier d’essentialiste, pose les fondations des travaux de K. Hayles (Hayles, 2005), du posthumanisme, et du nouveau matérialisme, courants dans lesquels s’inscrivent en outre les travaux de K. Barad (2007, 2023) et ceux de M. Vitali-Rosati (2021). Pourtant, leur approche du rapport entre humain et machine est radicalement différente de celle de F. Kittler. Alors que F. Kittler identifie la machine et l’utilisateur par une série de propriétés ou définitions avant leur interaction, quasiment de manière décisive, les posthumanistes choisissent de ne pas déterminer les agents préalablement à l’environnement mais comme résultats de l’agencement de plusieurs dynamiques dans un espace donné. C’est en ce sens que sont mobilisées et développées les notions de worldview ches K. Hayles, où Mère Nature devient une Matrice (My Mother was a Computer), l’intra-action à la place d’interaction puisque les agents ne sont pas prédéterminés chez K. Barad et enfin l’éditorialisation chez M. Vitali-Rosati qui propose une ontologie de la médiation (métaontologie) selon laquelle le media n’existe pas, on y retrouve la provocation de Kittler, et que toutes ces dynamiques, ces intra-actions, sont des médiations dont la matérialité, dans un agencement donné, produit du sens (Vitali-Rosati & Larrue, 2019).

Ainsi, l’assujetissement de l’humain aux logiciels que nous avons mentionné, que F. Kittler critique vivement dans ses travaux, n’a plus de raison d’être dans cette perspective non-essentialiste offerte par l’éditorialisation puisque ces entités sont uniquement déterminées lorsqu’il y a intra-action. Les relations entre les agents ne peuvent plus être présupposées et leur détermination est réalisée depuis un référentiel quasiment unique si l’on considère que les paramètres de cet environnement sont variables et que la probabilité d’obtention de conditions strictement identiques est quasi nulle. Depuis cette perspective où l’on considère les différents agents comme des productions de leur agencement dans un écosystème, il devient intéressant d’observer leur relation tout au long de ce processus pour comprendre comment ils s’affectent les uns les autres.

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Néanmoins, un trouble persiste dans cette relation entre ces agents. Il se manifeste entre ce que l’usager à l’intention d’écrire et le document que produit la machine, qui est structuré selon un certains nombre de normes, formats, etc., implémentés dans un logiciel. Ce trouble nait de la rencontre entre une représentation du texte structurée graphiquement et une représentation du texte structurée par du texte, comme c’est le cas pour une page web interprétée par un navigateur et son pendant au format HTML. En ce sens, nous examinons la possibilité que l’écriture numérique puisse être affublée d’une caractéristique supplémentaire : la cécité. Cette caractéristique nous semble présente dans le fait qu’il y ait plusieurs angles morts entre ces deux conceptions du texte qui ne permettent ni à l’utilisateur ni à la machine de voir le texte dans sa totalité. La piste de ce trouble nous mène également à comprendre l’enjeu de cette relation entre l’usager et son environnement puisque. En le dévoilant, nous mettrons à jour les indices de la rencontre entre un auteur et son environnement d’écriture.

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Néanmoins, un trouble persiste dans cette relation entre ces agents. Il se manifeste entre ce que l’usager à l’intention d’écrire et le document que produit la machine, qui est structuré selon un certains nombre de normes, formats, etc., implémentés dans un logiciel. Ce trouble nait de la rencontre entre une représentation du texte structurée graphiquement et une représentation du texte structurée par du texte, entre une raison graphique et une raison computationnelle, comme c’est le cas pour une page web interprétée par un navigateur et son pendant au format HTML. En ce sens, nous examinons la possibilité que l’écriture numérique puisse être affublée d’une caractéristique supplémentaire : la cécité. Cette caractéristique nous semble présente dans le fait qu’il y ait plusieurs angles morts entre ces deux conceptions du texte qui ne permettent ni à l’utilisateur ni à la machine de voir le texte dans sa totalité. La piste de ce trouble nous mène également à comprendre l’enjeu de cette relation entre l’usager et son environnement puisque. En le dévoilant, nous mettrons à jour les indices de la rencontre entre un auteur et son environnement d’écriture.

Dans Stylo, nous savons que le texte est saisi par l’utilisateur en Markdown (YAML et BibTeX également), puis est envoyé sur le serveur au moyen d’une requête GraphQL au format JSON contenue dans une requête HTTP utilisant la méthode POST comme modalité de circulation de l’information. Entre ces étapes persiste une phase qui n’a pas encore été évoquée : la requête POST envoyée au serveur ne s’effectue pas en continu entre le client et le serveur, ce n’est pas un flux et l’on n’écrit pas directement dans la base de données. Une phase latente se glisse dans l’interface Web entre le moment où l’utilisateur frappe les touches de son clavier et le moment où la base de données est mise à jour. Cette phase est rendue visible par l’affichage du message au-dessus de l’éditeur de texte. Lorsque aucune touche du clavier n’est enfoncée pendant un certain laps de temps (quelques secondes), le message “Last saved…” est remplacé par “saving” : la copie de travail vient d’être enregistrée dans la base MongoDB grâce à la requête GraphQL updateWorkingCopy(). Dans ce laps de temps entre la frappe des mots au clavier et l’envoi de la requête au serveur, qu’advient-il du texte ?

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Comme cela est mentionné précédemment, l’espace d’écriture de Stylo est un espace web. Pour y accéder, nous avons besoin d’un logiciel particulier – un navigateur ou un fureteur – capable d’interpréter du HTML, du CSS et d’exécuter du Javascript. Lorsque l’on écrit dans Stylo – et de surcroit dans Monaco –, le texte saisi doit être manipulable et interprétable par le navigateur pour pouvoir être envoyé sur le serveur. C’est le rôle de Monaco de traiter cette couche d’informations. À l’écran, l’utilisateur voit s’afficher du Markdown tel qu’il le frappe, pourtant cette information n’est inscrite sur aucun support en dehors du rendu visuel affiché à l’écran. Monaco travaille avec des modèles et ce sont avec eux que l’utilisateur interagit. Chaque modèle est rattaché à une URI (que l’on peut identifier avec l’identifiant des articles) et c’est de cette manière que Monaco peut manipuler le DOM (Document Object Model) du navigateur pour créer le texte et son rendu graphique dans un format de texte brut.

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Comme cela est mentionné précédemment, l’espace d’écriture de Stylo est un espace web. Pour y accéder, nous avons besoin d’un logiciel particulier – un navigateur ou un fureteur – capable d’interpréter du HTML, du CSS et d’exécuter du Javascript. Lorsque l’on écrit dans Stylo – et de surcroit dans le composant Monaco –, le texte saisi doit être manipulable et interprétable par le navigateur pour pouvoir être envoyé sur le serveur. C’est le rôle de Monaco de traiter cette couche d’informations. À l’écran, l’utilisateur voit s’afficher du Markdown tel qu’il le frappe, pourtant cette information n’est inscrite sur aucun support en dehors du rendu visuel affiché à l’écran. Monaco travaille avec des modèles et ce sont avec eux que l’utilisateur interagit. Chaque modèle est rattaché à une URI (que l’on peut identifier avec l’identifiant des articles) et c’est de cette manière que Monaco peut manipuler le DOM (Document Object Model) du navigateur pour créer le texte et son rendu graphique dans un format de texte brut.

Le DOM est une représentation abstraite d’un document HTML exécutée dans le navigateur. Tous les éléments structurés à l’intérieur de ce document deviennent des objets, des noeuds manipulables avec du Javascript. C’est grâce à ce procédé qu’une page web est rendue dynamique. Puisque la construction du DOM dépend du navigateur employé, nous pouvons en déduire que ce document sera différent selon le navigateur ou les différentes versions d’un même logiciel. Pour accéder à ce DOM il suffit d’ouvrir les outils de développements du navigateur et d’inspecter le contenu de la page HTML.

Ci-dessous, une première image pour montrer le texte saisi à l’écran et une deuxième pour montrer ce qui est inscrit dans le DOM.

@@ -360,7 +360,7 @@ Du fait de mon implication dans Stylo, le regard que je porte sur ce terrain n

Si l’on suit les différentes métamorphoses du texte, on se rend compte que la forme brute n’est inscrite nulle part. On la retrouve soit sous sa forme interprétée par le navigateur (en réalité il s’agit d’un document HTML), soit lors de l’export c’est-à-dire lorsque les documents sortent de l’environnement Stylo. En dehors de cette situation, il n’existe aucun document dont l’extension serait .md et stipulerait que ledit document respecte les règles et normes de ce format.

À la différence des systèmes analogiques et continus, la rupture opérée par l’écriture numérique réside entre autre dans cette discrétisation du texte en de multiples documents, où chacun se voit doté d’un paratexte différent pour circuler à travers les canaux de communication du système d’informations.

Dans Stylo, les textes y sont écrits par l’ensemble des protocoles choisis lors de l’établissement de cet environnement. La déprise sur le texte survient lors du choix de l’environnement par l’utilisateur. Lorsqu’un utilisateur écrit dans Stylo, il accorde sa confiance dans les opérations que réalise Stylo sur le texte et dans la matérialité qu’il participe à lui conférer.

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Toutes ces dynamiques éditorialisent et constituent les premiers documents de l’intimité du chercheur. Autrement dit, écrire dans l’environnement Stylo produit quelque chose qui ne serait pas identique dans un autre environnement car les dynamiques observées seraient affectées par d’autres facteurs et produiraient ainsi une autre chose. Le choix de l’environnement d’écriture constitue en conséquence un choix politique puisque cet environnement agit et produit une matérialité singulière.

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Toutes ces dynamiques éditorialisent et constituent les premières traces de l’intimité du chercheur. Autrement dit, écrire dans l’environnement Stylo produit quelque chose qui ne serait pas identique dans un autre environnement car les dynamiques observées seraient affectées par d’autres facteurs et produiraient ainsi une autre chose. Le choix de l’environnement d’écriture constitue en conséquence un choix politique puisque cet environnement agit et produit une matérialité singulière.

Conclusion

À la question de la place de l’ordinateur dans le processus de saisi d’un texte numérique, nous avons émis l’hypothèse que ce dernier dépasse son statut utilitariste pour celui de dynamique constitutive du sens de ce texte. En nous appuyant d’abord sur le fonctionnement d’un ordinateur et sur les caractéristiques de l’écriture numérique, tant la partie matérielle que la partie logicielle, puis sur la notion d’éditorialisation, telle qu’elle s’inscrit dans le nouveau matérialisme et le posthumanisme, nous avons observé les intra-actions à l’oeuvre dans l’éditeur de texte Stylo. Pour réaliser cette étude, nous nous sommes appuyés sur une méthode empruntée au théoricien des médias Friedrich Kittler dont l’analyse repose sur la description technique du fonctionnement des éléments mobilisés.

[Remplacer le paragraphe ci-dessous en revenant sur les traces de l’intime qu’on a rencontré]

-- cgit v1.2.3